Créer les conditions d’une agriculture productive et rentable, mettre en place tous les moyens dont les fermiers ont besoin pour produire davantage et vivre de leur travail. Telles sont les voies proposées ce vendredi à Rome, par Paul Kagamé, pour résoudre le problème de la faim dans les pays du tiers-monde.
De notre envoyé spécial à Rome
Mettre plus d’argent dans l’agriculture pour résoudre le problème de la faim. C’est la suggestion faite ce vendredi au siège de la FAO à Rome, lors de l’ouverture de la journée mondiale de l’alimentation par le président Rwandais, Paul Kagamé. Celui-ci a invité ses pairs du tiers-monde à réinvestir massivement dans l’agriculture, notamment pour soutenir les petits fermiers dont le rôle sera essentiel dans la résolution du problème de la faim qui touche près d’un milliard de personne dans le monde. « Il n’y a pas de doute qu’il faut investir plus d’argent et d’autres ressources dans l’agriculture. Au cours des 30 dernières années, les investissements publics dans l’agriculture ont drastiquement baissé, parce qu’on a cru à tort que le secteur privé prendrait le relais. Je me réjouis qu’à ce stade, nous soyons tous d’accord qu’il faut inverser cette approche », a-t-il déclaré, jugeant inacceptable qu’en dépit des avancées scientifiques et technologiques dans le domaine agraire, on en soit encore à parler d’un nombre incalculable de personnes qui « continuent de mourir de faim et des maladies connexes. »
Dans le discours d’ouverture de la journée lu avant l’intervention du président Rwandais, le Directeur général de la FAO, Jacques Diouf, a déclaré que la situation dramatique actuelle s’est produite parce qu’au lieu d’aborder les causes structurelles de l’insécurité alimentaire, la communauté internationale a négligé l’agriculture dans les politiques de développement, ce qui s’est traduit, dans les pays en développement, par la baisse des investissements dans ce secteur. Jacques Diouf a expliqué que la part de l’agriculture dans l’aide au développement a connu une baisse vertigineuse au cours des trente dernières années : de 19% en 1980, elle est tombée à 3% en 2006, pour se situer actuellement autour de 6%. L’inversion de cette tendance est d’autant plus urgente que la population augment rapidement, notamment dans les pays en développement. « Il va falloir augmenter la production alimentaire de 70% dans le monde et doubler celle des pays en développement, pour assurer la sécurité alimentaire et faire face au défi de nutrition de la population mondiale, qui devrait atteindre 9,1 milliards de personnes d’ici 2050 », a-t-il expliqué, poursuivant : « Les gouvernement devront accroitre la part de l’agriculture dans leur budget, pour qu’elle passe de la moyenne actuelle qui est de 5% à au moins 10%. »
Etablir les buts et priorités nationaux
Pour Paul Kagamé, il revient à chaque Etat d’élaborer et de conduire sa politique de sécurité alimentaire. « Les ressources financières ont souvent été canalisées à travers l’aide alimentaire, qui s’est montrée utile dans les situations de crise. Cependant, cette aide a dans d’autres cas créé des distorsions dans les marchés locaux, devenant un obstacle à la production locale des aliments et à l’autosuffisance », a-t-il déclaré, ajoutant : « La sécurité alimentaire est essentielle et doit être vue par tous comme une question nationale. Le programme pour la suffisance et la sécurité alimentaire, de la formulation politique et stratégique à la mise en œuvre doit être initié par le pays et conduit par le pays. La coopération avec les partenaires se fera dans ces conditions à partir de qui aura été identifié et développé comme les buts et les priorités nationaux. »
Paul Kagamé a rappelé que la bonne gouvernance et la professionnalisation des fermiers doivent aller de paire dans la lutte pour la sécurité alimentaire. Les gouvernements, a-t-il indiqué, se doivent de créer les conditions idoines à l’épanouissement des fermiers et à leur autonomisation. Toutes choses qui passent par leur formation et la mise à leur disposition des intrants agraires. Il a également insisté sur le financement de la recherche scientifique et technique, la mise en place des moyens d’irrigation et de stockage, la construction des voies de communication. Objectif selon lui, sortir le petit fermier de la précarité. « Une sécurité alimentaire durable ne pourrait être réalisée sans l’éradication de la pauvreté. Pour les fermiers, ceci signifiera qu’ils soient capables de se nourrir et d’entretenir leurs familles, mais également de convertir une partie de leur production en cash pour couvrir leurs autres besoins », a-t-il conclu.