« Le préservatif coûte trop cher ! » Hervé Antoine a maintes fois entendu cette récrimination lorsqu’il travaillait en pharmacie. Face à la réticence des grands fabricants de réduire leurs prix, le jeune Mauricien et son frère ont lancé en 2004 Be Love, le préservatif à 20 centimes d’euro. Et, couchez-vous bien, la gamme de condoms nervurés, perlés et parfumés sont commercialisés au même tarif. Interview.
Les campagnes de prévention ne cessent de le répéter : le préservatif reste le moyen le plus fiable de se protéger contre le virus du sida. Encore faut-il pouvoir en acheter. Le coût moyen d’un condom se situe entre 40 centimes d’euro et un euro. Une somme qui rebute plus d’un jeune, d’après Hervé Antoine, qui a exercé pendant huit ans comme préparateur en pharmacie. Cet énergique Mauricien a finalement créé en 2005 avec son frère jumeau Be Love. Ce préservatif est vendu à 20 centimes d’euros – dans un petit packaging de cinq – qu’il soit classique, nervuré, perlé ou parfumé… Fabriqué en Inde, on le trouve notamment dans les bureaux de tabacs, les lycées, les stations-services et il sera bientôt disponible en grandes surfaces. Hervé Antoine revient sur une aventure dont le succès devrait, selon lui, bientôt donner des sueurs froides à Durex et autres Manix.
Afrik.com : Les préservatifs que vous vendez coûtent environ la moitié de ceux qu’on trouve sur le marché. Comment vous y êtes-vous pris ?
Hervé Antoine : J’ai trouvé un laboratoire à Bruxelles qui commercialisait des préservatifs à un tarif vraiment très accessible. Alors j’ai décidé de casser les prix et de les vendre un euro les trois. (…) Lorsque j’ai appris en décembre 2005 que Jacques Chirac (l’ancien président français, ndlr) avait demandé que les préservatifs coûtent 20 centimes, j’ai décidé de vendre cinq capotes pour un euro. (…) Comme je m’étais fait remarquer avec mes trois préservatifs à un euro, Xavier Bertrand, à cette époque ministre de la Santé, m’a demandé si je pouvais vraiment les vendre à ce prix. Je lui ai dit que je maintenais que c’était possible. (…) Le 1er décembre 2006 (Journée mondiale contre le sida, ndlr), nous avons mis sur le marché sept millions de préservatifs à 20 centimes qui se sont vendus en trois mois. C’était un succès absolu grâce au soutien des infrastructures sanitaires et au ministère de la Santé, notamment.
Afrik.com : Comment se porte aujourd’hui votre entreprise ?
Hervé Antoine : C’est une PME (petite et moyenne entreprise, ndlr) qui compte des départements santé, logistique, presse et commercial. Nous avons aussi des télévendeurs. Nous commençons à avoir de la croissance et nous reversons d’ailleurs, toujours dans notre démarche préventive, 5% de notre chiffre d’affaires à Aides depuis juin 2006.
Afrik.com : Maintenant que vous avez prouvé qu’il est possible de vendre des préservatifs à 20 centimes sans se ruiner, les grands fabricants ont-ils du souci à se faire ?
Hervé Antoine : Be Love sera prochainement vendu au même prix dans les enseignes de grande distribution et les pharmacies. Lorsque nous rentrerons avec nos préservatifs classiques et nos sexys condoms dans ces réseaux classiques, tout en restant dans les réseaux traditionnels (lycées, bureaux de tabac, stations services…), les grands fabricants vont forcément mourir. Mais ils ne pourront pas dire que je ne les ai pas prévenus. Lorsque j’étais préparateur de commandes en pharmacie, je suis allé voir Durex et Manix en leur demandant pourquoi ils ne baissaient pas leurs coûts et ne faisaient pas un conditionnement moins encombrant. Ils m’ont dit que ce n’était pas possible et que je n’y connaissais rien.
Afrik.com : Dernière innovation en termes de prévention : on trouve Be Love sur Second Life, le célèbre jeu Internet…
Hervé Antoine : Cela fonctionne ainsi : il y a des distributeurs de préservatifs au coin des rues. Comme ça, si l’un des avatars a envie d’un rapport sexuel, « boom boom » il a des préservatifs sous la main ! L’idée est de changer les mentalités pour que même dans les jeux les plus basiques sur Internet les gens aient le réflexe et l’habitude d’utiliser le préservatif. Tout le monde dit qu’il faut « banaliser » l’usage du préservatif. Mais moi je dis qu’il faut le « normaliser ». C’est comme aller chercher du pain : ce n’est pas « banal », c’est « normal ». On vit avec les IST (infections sexuellement transmissibles, ndlr) et le VIH/sida, donc c’est « normal » d’utiliser des préservatifs.
Afrik.com : Vera-t-on bientôt des publicités de Be Love à la télévision ?
Hervé Antoine : On se plaint que les préservatifs sont trop chers mais, si on les vend moins chers, on a forcément moins d’argent pour se faire connaître. Nous sommes très présents en métropole mais il faut donner l’information de notre existence aux gens. Pour cela, il faut que nos partenaires se mobilisent pour porter le concept.
Afrik.com : Avez-vous pour ambition de fournir l’Afrique en préservatifs un jour ?
Hervé Antoine : Je suis prêt à lui fournir la même qualité de produit, au même prix. Souvent, les préservatifs que l’on trouve en Afrique ne sont pas assez lubrifiés, ils ne sont pas aux normes… Pourquoi les Africains n’auraient-ils pas droit aux préservatifs perlés ou parfumés comme les autres ? Mais pour arriver à les fournir, il faut trouver des partenaires qui se sentent concernés par la prévention en Afrique.
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