Se nourrir : droit ou luxe en terre africaine au XXI siècle ?


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La sonnette d’alarme a déjà été tirée des années auparavant notamment par le biais de Sylvie Brunel la géographe française dont l’ouvrage « Nourrir le monde vaincre la faim » revenait sur les émeutes de la faim de 2008 en Egypte, Maroc, Cameroun, Nigéria, Sénégal etc. Depuis…rien de concret au niveau de la « communauté internationale », les grands de ce monde mangent à leur faim.

Au regard du drame qui est en train de se dérouler sur la corne de l’Afrique, il nous a paru plus que normal d’apporter notre analyse sur la question afin d’enclencher à nouveau une alarme qui semble ne pas raisonner assez fortement encore aujourd’hui.

Tous les voyants au rouge

Il faut bien croire que les interrogations autour du potentiel nutritif de la planète ne sont pas contemporaines. Parmi les hommes les plus visionnaires, Malthus détient peut être la palme d’or dans le domaine. « Y’aura-t-il assez de terres pour nourrir le monde de demain ? », on était au XVIII ème siècle.
La population mondiale s’accroit, plus exactement celles des pays en développement. Elle devrait plafonner dans les années 2050 vers 9 milliards d’habitants.

Il est donc acquis que les besoins mondiaux en alimentation vont évoluer au même titre que l’augmentation de la population terrestre. Le continent africain avec le taux d’accroissement démographique le plus élevé au monde, où 30% environ de sa population connait la malnutrition, sera encore plus concerné.

En plus de compter avec l’incertitude de nourrir une population en croissance, le continent doit désormais faire face à un nouveau dilemme, le phénomène de « location » de ses terres arables.
Afin de garantir à leurs populations leur nourriture, certains pays dépendant des importations, veulent externaliser leur production alimentaire nationale en prenant le contrôle d’exploitations agricoles à l’étranger.

En novembre 2008 selon Financial Times, Daewoo Logistics, un groupe sud-coréen, a conclu avec le gouvernement malgache un accord portant sur la location de 1,3 million d’hectares de terres, ce qui représente la moitié des terres arables de la grande île […] le groupe sud-coréen va exploiter pendant 99 ans cette immense étendue de terres pour la culture du maïs et la production d’huile de palme.

Ce « bail » d’assez longue durée a été à l’origine des mouvements sociaux sur l’île en 2009 qui ont conduit au départ non volontaire du président Ravalomanana entrainant l’instabilité politique qui demeure jusqu’à ce jour.

Des agriculteurs locaux trop exposés

D’après la Banque mondiale, l’augmentation des prix des aliments, en 2010-2011, a jeté près de 70 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.
Les prix mondiaux des aliments de base tel le blé, l’huile de table et le lait augmentent de façon continue depuis 2000.

La vérité est que l’Afrique dans le domaine agricole n’est pas libre des ses gestes et subit plus qu’autre chose la loi du marché et de l’OMC.
En effet je ne sais pas s’il est encore nécessaire de rappeler que les producteurs agricoles africains ne sont pas dotés de subventions à l’exportation au même titre que les agriculteurs européens, américains , japonais ou australiens. Il faut ajouter à leur peine la taxation des produits dits tropicaux aux frontières internationales, mesure si chère à l’OMC, ainsi que la spéculation sur les marchés agricoles mondiaux.

Résultat les prix de ces denrées augmentent et le continent est doublement perdant. Nos productions dédiées à l’exportation ne partent pas (non subventionnées donc trop chères), ne laissant aux agriculteurs d’autre choix que de s’appauvrir en bradant leurs marchandises. Pour finir, nous sommes tout de même « obligés » d’importer ces denrées au prix fort car encore moins chères que celles produites sur place.

Du coup, la conséquence première est l’augmentation du prix du pain (pour ce qui est du blé car le sac de farine sera vendu plus chère aux boulangers) et donc des dépenses des ménages, trouant encore un peu plus le panier de la ménagère africaine.

Des politiques adaptées et de l’audace… enfin

Selon de nombreux experts, la crise alimentaire de ces deux dernières années a durement frappé les pays pauvres en Afrique et en Asie, parce que les efforts de ces dernières années ont été déployés pour produire des denrées alimentaires destinées aux marchés extérieurs plutôt qu’aux marchés intérieurs.

Il faudrait avant toutes choses que l’alimentation devienne une priorité explicitement affichée des gouvernements africains à l’instar du gouvernement Equatorien qui n’a pas hésité à introduire le droit à l’alimentation dans la constitution de son pays en 2008 définissant la souveraineté alimentaire comme « un objectif stratégique de l’Etat ».

Car oui, la solution est essentiellement politique et il serait temps que ceux qui nous gouvernent prennent leurs responsabilités. Les premières mesures pourraient consister soutenir les petits agriculteurs ruraux, non pas dans le but de viser l’exportation, mais dans celui de développer un marché local qui permettrait à ces derniers de nourrir à moindre coup les villes africaines de plus en plus peuplées.

Il faut surtout proposer des politiques agricoles très incitatives aux deux millions de personnes vivant de l’agriculture familiale en autosubsistance. Ce sont ces agriculteurs qui devront en grande partie fournir l’alimentation des villes dans les pays en développement.

Par la suite il faudrait sans doute, un jour ou l’autre étudier la possibilité de développer un marché exclusif au continent et pour cela il faudra de l’audace.
L’audace de « défier » l’OMC et peut être brandir comme excuse le blocage du cycle de négociation de Doha pour élaborer certainement pas une bourse comme à Chicago, mais plutôt des tarifs douaniers préférentiels notamment pour les pays arides en grandes difficultés tels que ceux de la corne de l’Afrique plus qu’il s’agit d’eux actuellement. L’audace de considérer les produits agricoles comme de simples produits commerciaux.

Pour finir je crois qu’il nous faudra à tous du courage, celui de nous rendre compte que nous sommes les premiers à entretenir la dépendance par la consommation massive de produits alimentaires occidentaux. En gros nous serons appeler à adapter nos régimes alimentaires afin de privilégier la consommation locale.

D.K.I pour Young Leaders for African Development

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