Dimanche, les Zimbabwéens sont appelés aux urnes. Malgré les abus qui lui sont reprochés, il est fort probable que le président Mugabe, au pouvoir depuis 22 ans, soit réélu. Les soupçons sur l’organisation d’une fraude électorale à grande échelle s’accumulent. Reste à savoir si cette parodie de démocratie ne sera pas l’étincelle qui mettra le feu aux poudres.
» Je n’apprécie pas le discours qui consiste à dire que, à moins que Mugabe et son parti le Zanu-pf perdent, les élections seraient truquées « , déclarait la semaine dernière le chef de l’Etat tanzanien, Benjamin Mkapa, à la BBC. Pourtant, l’élection présidentielle qui doit avoir lieu dimanche paraît de plus en plus suspecte. Après avoir rejeté la médiation des observateurs européens, Robert Mugabe multiplie les pressions à l’encontre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le parti d’opposition qui lui fait face.
Depuis le début de la campagne, soixante-treize meetings du MDC ont été interdits. Morgan Tsvangirai, leader du MDC et candidat à la présidence, s’est vu inculpé de trahison. La récente modification du code électoral par décret présidentiel a porté le coup de grâce aux espoirs d’un scrutin démocratique. Jugée illégale par la Cour suprême, cette nouvelle législation ne permet qu’aux 22 000 fonctionnaires désignés par le gouvernement de dénoncer d’éventuelles fraudes… Un climat de peur envahit le pays. Vendredi matin, à la veille des élections, quarante agents électoraux du MDC étaient enlevés par une milice du Zanu-pf, avant d’être remis à la police. Et selon les organisations de défense des droits de l’homme, les violences politiques auraientt déjà fait plus d’une trentaine de morts depuis le début de l’année.
La poudrière zimbabwéenne
Lors d’une conférence de presse jeudi dernier, Morgan Tsvangirai a tenu des propos aux accents de mise en garde : » Les gens doivent se préparer à différents scénarios. Ils savent comment réagir en cas de victoire de Mugabe ou de victoire du MDC « , a-t-il déclaré. Il a cependant jugé » prématuré » d’annoncer l’attitude du MDC en cas de » victoire volée » de son adversaire. Si Tsvangirai a jusqu’à présent toujours défendu des positions non-violentes, de nombreux observateurs s’attendent par contre à un durcissement du régime d’Harare, quels que soient les résultats du scrutin.
Le Mozambique et l’Afrique du Sud ont déjà posté des troupes aux frontières du pays, en prévision d’un possible soulèvement à l’annonce du vainqueur. La Communauté des Etats indépendants d’Afrique centrale (SADC) soutient unanimement Mugabe, mais elle verrait d’un mauvais oeil une explosion de la poudrière zimbabwéenne. Il est donc à espérer que le prochain président saura calmer les esprits, sous peine de voir son pays, déjà en proie à la famine, isolé dans la sous-région. Aux derniers sondages, Robert Mugabe était crédité de 11% des suffrages, tandis que 20% des votants se prononçaient pour Tsvangirai. 60% des personnes interrogées ont refusé, prudemment, de donner leur avis.