Ismaïl Omar Guelleh a remporté le scrutin présidentiel de vendredi dernier avec 94,3 % des voix. Un chiffre qui s’explique par le fait que le Président sortant était le seul en lice pour l’élection et que l’opposition avait appelé au boycott « actif » du scrutin.
94,3% des voix. Lors de sa première conférence de presse, samedi 10 avril, Ismaïl Omar Guelleh, tout juste réélu à la Présidence de la République de Djibouti, a remercié « l’ensemble de ses concitoyens qui lui ont renouvelé leur confiance pour un second mandat ». Cela pourrait être tout à fait normal si le scrutin, lui, n’avait pas été aussi original. En effet, quelque 198 000 Djiboutiens (sur 700 000) se sont rendus aux urnes vendredi. Sur les tables : un seul bulletin vert, au nom du Président sortant, unique candidat de l’élection…
C’est la première fois depuis l’instauration du multipartisme en 1992, qu’un seul candidat se présente à la présidentielle. L’opposition, fortement affaiblie depuis la mort en 2004 de son leader charismatique et ancien Premier ministre Ahmed Dini Ahmed, avait appelé au boycott « actif » du scrutin, affirmant que l’élection ne serait pas « honnête, libre et transparente ».
Les plus et les moins de l’élection
Rappelons qu’en 2003, l’opposition avait échoué aux législatives, ne remportant pas un seul des 65 sièges du Parlement, et qu’à la présidentielle de 1999, elle avait comptabilisé seulement 25% des voix. Les opposants à Ismaïl Omar Guelleh n’avaient pas donc d’autres alternatives que de voter blanc ou de ne pas voter du tout. Et c’est de là que viennent les seules surprises du scrutin : selon le ministère de l’Intérieur djiboutien, le pourcentage d’enveloppes vides n’a pas dépassé les 5,7% et le taux de participation atteindrait les 79,89%. Un chiffre qualifié de « grotesque » par la Ligue djiboutienne des droits humains.
Points positifs : selon la Mission francophone et la Mission de la Ligue des Etats arabes, observateurs en place depuis le 3 avril dernier, les femmes djiboutiennes ont participé « activement » aux opérations de vote et le fonctionnement des bureaux de vote a été « amélioré ». Points noirs : « le nombre relativement important de cartes d’électeurs non retirées » et la « présence visible et marquée des partisans du candidat aux alentours et à l’intérieur de certains bureaux de vote ». De plus, même si les deux Missions notent « le climat serein dans lequel les élections se sont déroulées », vendredi, la police a lancé des gaz lacrymogènes sur les quelque 200 manifestants de l’opposition, rassemblés devant les bureaux de l’Union de l’alliance démocratique, principale coalition de l’opposition.
Importance géostratégique
C’est donc reparti pour un mandat de 6 ans pour Ismaïl Omar Guelleh qui, pendant sa campagne, a promis de réduire la pauvreté et la dépendance du pays face aux importations de nourriture, d’améliorer les droits des femmes et la transparence dans l’administration publique. Agé de 58 ans, l’ancien responsable des services de renseignements du pays est arrivé au pouvoir en 1999, succédant au premier chef d’Etat du pays, Hassan Gouled, dont il avait été l’homme de confiance.
Sous son premier mandat, des accords de paix ont été signés en 2001, mettant fin à une guerre civil de 10 ans. Mais, en parallèle, le respect des droits humains et civiques a reculé et le pouvoir s’est centralisé au maximum. Le Président s’est attaché à peaufiner l’importance géo-politique du micro-Etat indépendant depuis 1977, aux dépends de la population, aujourd’hui parmi les plus pauvres du Continent. Il a su intéresser notamment la France et les Etats-Unis qui louent à prix d’or leurs bases militaires dans le pays.