La Côte d’Ivoire cueille les fruits amers de l’ethnisation de la vie politique. La peur et la haine s’immiscent de plus en plus entre nordistes et sudistes. Aujourd’hui, la guerre et la scission menacent la plus prospère des nations ouest africaines
Scission. Le mot est de plus en plus de fois évoqué par les partisans et adversaires du Rassemblement des républicains (RDR), alors que la rue ivoirienne prend feu autour du nom de M Ouattara. Car la violence qui éclate en Côte d’Ivoire marque le point d’orgue d’un scénario catastrophe entamé avec l’ivoirité, thème de campagne du président déchu, Konan Bédié. Cette idéologie identitaire s’est trouvée renforcée par le régime de Robert Gueï, via la réforme constitutionnelle de juillet dernier qui conditionne la nationalité ivoirienne à une ascendance de père et de mère, excluant de nombreux » nordistes « , notamment les Dioulas, ethnie également présente dans les pays limitrophes, comme le Burkina ou le Mali.
Avec la mise à l’index des » étrangers » principalement d’origines burkinabé ou malienne qui composent 40% du melting-pot ivoirien, ce sont tous les Coulibaly, Ouattara et autres Touré (patronymes du Nord) qui se sont sentis exclus du jeu politique ivoirien. D’amalgames en amalgames, ce malaise s’est renforcé par des campagnes de presse et des déclarations politiques d’une rare violence. Des contrôles de polices tatillons, des refus de renouvellement de cartes d’identité ou d’octroi de cartes électorales, ont achevé de muer un climat délétère en discriminations concrètes.
Frustrations réelles
Des cadres de l’ex-parti unique, le PDCI, originaires du Nord, comme Laurent Dona Fologo, ont eu beau accuser l’ancien Premier ministre d’avoir instrumentalisé les questions ethniques et religieuses au profit de ses ambitions personnelles, reste que la frustration des jeunes nordistes est forte.
De même, si le président Gbagbo, qui a choisi la voie de la fermeté, rend les militants du RDR responsables de la violence, contestant la nature ethnique du conflit, il n’en demeure pas moins vrai qu’une forte minorité de la population a vécu la seconde invalidation de M. Ouattara aux élections législatives comme une mise au ban des Dioulas, Senoufos, Malinkés, ou ces chasseurs traditionnels » dozos » qui, aujourd’hui forment une garde prétorienne autour du leader du RDR. Et n’hésitent pas à faire le coup de feu contre les forces de l’ordre.
Un sentiment de persécution que les pogroms anti-Dioulas à Abidjan des événements du 26 octobre n’ont pas contribués à calmer. En choisissant de ne retenir que la caractère partisan de cette contestation, le président Gbagbo prend le parti d’ignorer la frustration et la peur d’un bon tiers de la population ivoirienne, qui lui assure un réel soutien populaire.
Le risque est d’autant plus grand qu’au sein de l’armée, ridiculisée par près de 10 mois de gestion militaire, les divisions sont aussi profondes que dans la société civile. Sinon plus. Là encore, l’ethnisation de la vie politique pourrait avoir des retombées désastreuses.
Retrouvez ici notre précédent article : le RDR entre en résistance