Après la Libye, le président français visite jeudi et vendredi le Sénégal puis le Gabon. Un casting, pour son premier périple en Afrique subsaharienne, qui n’apporte pas la preuve de la rupture tant annoncée par Nicolas Sarkozy avant son élection.
Pas de révolution à l’horizon pour le premier voyage en Afrique noire de Nicolas Sarkozy. Après une escale libyenne, le chef de l’Etat a rejoint jeudi le Sénégal, avant de se rendre vendredi au Gabon, deux anciennes colonies françaises. Il y a deux semaines, ses proches annonçaient pourtant une escale hors du pré-carré français, au Ghana ou en Afrique du Sud. Le président français une fois encore fait preuve de pragmatisme, quitte à marcher dans les pas de ses prédécesseurs adeptes de la Françafrique.
La fin du tabou nucléaire
En Libye, Nicolas Sarkozy a brisé le tabou du nucléaire avec la signature d’un « mémorendum d’entente ». Ce document précise les objectifs d’une collaboration franco-libyenne pour la réalisation d’un réacteur destiné à la production d’eau potable par le dessalement d’eau de mer. L’occasion pour lui d’envoyer un message à tous les pays arabes : « Considérer que le monde arabe n’est pas assez raisonnable pour utiliser le nucléaire civil risque d’entraîner à terme une guerre des civilisations. »
A moyen terme, ce sont surtout de juteux contrats pour la société française Areva, également très intéressée par la recherche de nouveaux gisements d’uranium. Un rapprochement commercial qui intervient seulement deux jours après la libération des infirmières et du médecin bulgare. Mais pour Nicolas Sarkozy, si la résolution de cette affaire était un préalable incontournable à sa visite, elle n’est pas entrée en ligne de compte dans la signature de cet accord. Reste qu’après 10 ans d’embargo, le pays de Mouammar Khadafi est un eldorado encore plein de promesses pour les entreprises françaises des secteurs de l’énergie (nucléaire, pétrole, gaz) et de la banque.
Réaffirmer l’amitié franco-africaine
Après l’opportunisme, place aux sentiments. Au Sénégal et au Gabon, Nicolas Sarkozy vient, selon les termes de son porte-parole, David Martinon, pour « réaffirmer l’amitié profonde et sincère de notre pays pour l’Afrique et pour les Africains ». Aujourd’hui, le président français doit s’entretenir à Dakar avec son homologue Abdoulaye Wade. Au menu des discussions : politique, économie et droits de l’homme.
Nicolas Sarkozy peut-il échapper aux écueils de la complaisance et éviter ainsi de renouveler la politique africaine française ? L’avenir le dira. Officiellement, Nicolas Sarkozy doit signer trois contrats au cours de sa visite. Un accord pour la promotion et la protection des investissements et deux projets de l’Agence française de développement.
Mais les deux hommes pourraient aussi évoquer la succession du président Wade, sujet hautement polémique au Sénégal, ou encore l’éviction du groupe Bolloré des activités containers du port de Dakar. Quant aux droits l’homme, tout le monde attend la prestation de la secrétaire d’Etat d’origine sénégalaise, Rama Yade, qui accompagne le président français dans un pays plusieurs fois épinglé dans ce domaine. Elle avait été critiquée pour son silence lors de son voyage en Tunisie. En fin de journée, Nicolas Sarkozy va donner sa vision du développement africain lors d’un discours à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Un ami vexé
Nicolas Sarkozy terminera vendredi son périple africain à Libreville. A la question pourquoi le Gabon ? Le président a répondu : « En Afrique, le doyen des chefs d’Etat est toujours un homme respecté. Si je n’étais pas allé chez Omar Bongo, je l’aurais humilié inutilement. » A la tête du pays depuis 40 ans, le président gabonais demeure un des piliers de la Françafrique. Pour preuve, la présence permanente de 800 soldats français à Libreville.
Pas de nouveau contrat en vue pour cette dernière étape, il s’agit plutôt d’une visite de courtoisie à un ami vexé. Omar Bongo n’a en effet pas spécialement apprécié d’être soupçonné en France de détournement. La justice française l’a mis en examen le 19 juin suite à la plainte déposée par plusieurs associations qui l’accuse de posséder en France des biens immobiliers de luxe financés par de l’argent public détourné. Mais ses relations avec Paris se sont bien améliorées depuis quelques semaines.
Brice Hortefeux, ministre français de l’immigration, est d’abord venu au Gabon pour signer un accord qui concède aux Gabonais des démarches simplifiées pour venir en France. Puis de passage à Paris, le chef d’Etat africain a obtenu le 19 juillet du Club de Paris, qui réunit les principaux pays créditeurs, un remboursement anticipé de la dette gabonaise environ 15% en dessous de sa valeur. Une sérénité retrouvée que ne devrait pas troubler la visite d’un complexe forestier organisé par le président Bongo pour parler de développement durable. Son soutien à la veuve du juge Borrel dans la recherche de la vérité sur les circonstances de la mort de son mari avait donné l’impression d’un changement cap dans la gestion des affaires africaines. La visite de Nicolas Sarkozy à Libreville laisse planer un doute.
Photo : Nicolas Sarkozy et Omar Bongo