Sarkozy et Brown en plein Darfour


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Le Président français et le Premier Ministre britannique se sont dits prêts à « aller ensemble au Darfour » à l’issue d’un entretien au Palais de l’Elysée, le vendredi 20 juillet 2007. Politique ou spectacle ?

Les avis divergent après les déclarations enflammées du Président français Nicolas Sarkozy et du Premier Ministre anglais Gordon Brown à l’issue de leur entretien du vendredi 20 juillet 2007 au Palais de l’Elysée, à Paris. Est-ce parce que Gordon Brown s’est laissé entraîner par l’activisme de Nicolas Sarkozy? Est-ce parce qu’ils ont été l’un et l’autre piqués par une mouche africaine? Toujours est-il que leur annonce spectaculaire soulève beaucoup de scepticisme en Afrique.

Deux Superman pour le prix d’un?

L’idée même que leur déplacement au Darfour pourrait changer de fond en comble la situation de cette région du Soudan, livrée à la misère, à la famine, à la pauvreté, aux affrontements claniques, aux pillages des rebelles ou des milices… Cette idée relève d’une grande naïveté, ou d’une étonnante arrogance.

Quoi, les deux anciennes puissances coloniales se sentent-elles soudain pousser des ailes, dès lors que les Etats-Unis leur laissent le champ libre sur cette partie de l’Afrique, trop enlisés au Moyen-Orient pour venir leur disputer ce terrain de jeu désertique, et dès lors que la Chine accepte de mettre sous le boisseau ses bons rapports avec Khartoum, le temps de laisser passer els Jeux Olympiques sans trop de heurts ?

Gesticulation pathétique

Mais il y a quelque chose de pathétique, et pour le Darfour, et pour la France et la Grande Bretagne, dans cette gesticulation sans portée ! Comment MM. Sarkozy et Brown se rendraient-ils au Darfour, région du Soudan, pays souverain, de leur propre initiative et contre la volonté du gouvernement soudanais ?

Ce n’est pas parce que Bernard Kouchner s’est rendu au Tchad, pays où déborde le conflit soudanais largement investi par les troupes françaises, que MM. Brown et Sarkozy pourraient débarquer en hélicoptère au Darfour, et faire magiquement cesser les massacres qui s’y déroulent loin des yeux occidentaux et loin de toute route de communication facile…

Envoyer des troupes internationales

Tout cela passe donc d’abord par le débarquement au Soudan d’une force militaire internationale, sous mandat de l’ONU, qui aurait pour mission de sécuriser et de pacifier le Darfour. Entre 15 000 et 20 000 hommes, sous commandement onusien. Difficile de savoir si la menace d’un déplacement en personne des dirigeants politiques français et anglais suffira à faire plier Khartoum, ou si la perspective de leur débarquement victorieux, à la suite des casques bleus et des soldats de l’Union africaine, risque au contraire de raidir la position des dirigeants soudanais…

Toujours est-il que les associations humanitaires et les spécialistes de la région lèvent les bras au ciel : on ne règlera pas le conflit qui se déroule au Darfour avec des moulinets de bras… Il y faut un traitement de fond, politique et économique, des drames humains qui se jouent là. Et ce traitement ne se fera pas sans l’implication volontaire des pays concernés. Auquel il faudrait commencer par assurer les moyens de mettre en oeuvre une politique de réconciliation qui passe par le développement, la reconstruction, des moyens alimentaires, scolaires, sanitaires.

Les soldats, c’est une chose. Mais recoudre un tissu national en lambeaux et cicatriser des plaies ouvertes… C’est un travail de fond. Mais naturellement, cela fait moins de spectacle qu’une escapade en hélico dans les camps de réfugiés.

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