Dix ministres des huit pays méditerranéens de l’Union européenne se sont rencontrés vendredi, à Madrid, pour élaborer une position commune face à l’immigration clandestine au sud de l’Europe. Alors que l’Espagne a réclamé « plus de solidarité », Nicolas Sarkozy a proné la fermeté et s’est élevé contre les régularisations massives.
Miguel Angel Moratinos, le ministre espagnol des Affaires étrangères, a appelé vendredi, à Madrid, à une « politique d’immigration commune plus cohérente ». Les ministres des huit pays méditerranéens de l’Union européenne se sont donnés rendez-vous dans la capitale espagnole pour faire face aux « challenges » auxquels ils sont confrontés en matière d’immigration. Leur but : élaborer des propositions communes qu’ils pourront présenter lors du sommet européen informel du 20 octobre prochain, à Lahti, en Finlande. L’Espagne, qui souhaitait incliner la politique européenne vers « plus de solidarité », espérait obtenir l’assentiment de ses partenaires. Mais Nicolas Sarkozy, le ministre français de l’Intérieur ne l’a pas entendu de cette oreille.
Sarkozy ne veut plus des régularisations massives
Restant fidèle aux déclarations qu’il avait faites en début de semaine, il a affirmé qu’il était radicalement contre les régularisations massives. Prenant à partie l’Espagne qui a normalisé la situation de 60 000 sans papiers en 2006, il a expliqué que « quand un pays régularise, il le fait pour lui, mais aussi pour tous les autres pays de l’espace Schengen ». Il a ajouté que « La France a hélas expérimenté la régularisation massive, c’était en 1997 et ça a conduit à une explosion des demandes, quatre fois plus de réfugiés ». Il a exhorté les dirigeants européens à agir, les prévenant que si rien n’était fait ils verraient monter dans leurs pays « des sentiments de xénophobie que plus personne ne [pourrait] contrôler ».
Mercredi dernier, José Luis Zapatero, le Premier ministre espagnol, avait déjà répondu aux propos de Nicolas Sarkozy. Il avait déclaré qu’après les émeutes de novembre dernier en France, il n’avait aucun conseil à recevoir de sa part. A Madrid, le ministre français de l’Intérieur s’est dit « étonné » par la réaction de José Luis Zapatero car, de son point de vue, la solidarité de la France dans la lutte contre l’ETA a toujours été exemplaire. Il a expliqué le coup de griffe du ministre espagnol par « l’ambiance un peu vive régnant actuellement au Parlement espagnol », et s’est dit convaincu qu’elle « ne reflétait pas la totalité de sa pensée ».
Une réforme radicale de la politique européenne
En présence des 9 ministres de l’UE, Nicolas Sarkozy a proposé un projet radical, avec la fusion des politiques nationales des 25 en matière d’immigration. Il a dessiné à grands traits « un pacte européen d’immigration » qui « comporterait les grands principes d’une politique commune que les Etats membres s’engageraient à respecter ». Parmi ceux-ci : « le conditionnement du regroupement familial aux ressources » du foyer, « le respect du principe de proportionnalité entre le flux migratoire accueilli et les capacités d’accueil (…) » et « le principe d’éloignement des migrants clandestins ».
Ambitieux, le candidat aux présidentielles de 2007 a été plus loin que les autres membres de l’UE et a recommandé la création d’une « agence commune (…) chargée de la délivrance des visas de court séjour ». Il espère ainsi mettre fin au « visa shopping » qui permet à un demandeur de tenter sa chance dans différents consulats de l’UE. Si ce dernier parvient à obtenir le sésame, il peut alors voyager dans n’importe quel pays de l’espace Schengen, même si l’un d’entre eux lui a refusé un visa.
Le ministre de l’Intérieur français entendait aussi convaincre les membres de l’UE sur le dossier des régularisations. Apparemment satisfait du bilan de sa circulaire du 13 juin sur les familles ayant des enfants scolarisés en France, il a préconisé pour l’Europe « la stricte limitation des mesures de régularisation à des situations humanitaires, au cas par cas ».
Renforcer la maîtrise des flux
Pour le quotidien espagnol El Pais, les huit pays doivent faire en sorte « que l’UE [leur] attribue une partie substantielle des 1 800 millions d’euros que le plan financier 2007-2013 assigne au contrôle des frontières extérieures ». L’Espagne a enregistré, depuis janvier dernier, la venue de 25 000 clandestins africains sur les seules îles des Canaries. C’est pourquoi le pays attache une importance particulière à la question des frontières, notamment maritimes. Madrid a ainsi présenté un document proposant un « modèle européen » de ses frontières méridionales qui servira de support aux discussions des 25 à Lahti, indique Le Figaro. Quant à Nicolas Sarkozy, il a appellé à un renforcement « sensible » des moyens de Frontex, l’agence chargée de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne.
Aucune décision n’a été annoncée suite à la réunion de Madrid. Le débat sur l’immigration reste ouvert, mais le projet de Nicolas Sarkozy a bousculé les positions des autres pays méditerranéens de l’UE, et de l’Espagne en particulier qui aspirait à des solutions plus souples et solidaires.