Venu défendre son union pour la Méditerranée à Tunis, cette semaine, l’on a découvert un autre Sarkozy, plus détendu, moins frileux par rapport à l’immigration qu’il entend « choisir », et partisan de plus en plus de souplesse. Voilà de quoi apaiser les déçus de l’administration consulaire et leur redonner espoir. Parce que jusque là, et malgré des efforts en matière d’accueil et d’information, les frustrations persistent.
|Cet article est le point de départ de notre enquête sur l’immigration choisie de Sarkozy et la nouvelle dimension que lui insuffle son projet d’union pour la Méditerranée. Une enquête en plusieurs volets qui s’attachera a analyser les discours, les textes, les actes, les fantasmes et les réalités sur le terrain avec ceux qui pratiquent une réglementation qui ne cesse d’évoluer.|
Dans sa plaidoirie pour l’union de la Méditerranée, Nicolas Sarkozy a détaillé les avantages dont bénéficieraient les jeunes Tunisiens, et notamment l’accès à l’Europe. Ils feraient partie d’un vaste programme d’échange et pourraient circuler en Europe et pratiquer « le partage du savoir » sans restriction. La France serait encore disposée à accueillir de la main d’œuvre étrangère, dont elle a besoin. La manne tunisienne francophone est la bienvenue, la France veut même la former. La France de Sarkozy ne serait pas verrouillée à l’immigration, et se félicite même d’accueillir ces étrangers qui se distinguent et participent à son essor…
Voilà un discours qui rompt avec la fermeté affichée par le gouvernement français, Nicolas Sarkozy en tête. Ne voulant plus « subir », il entend « choisir » avec des critères sans cesse revisités et durcis, pour faire face à la fraude et être réaliste avec les capacités d’accueil de la France. Une rigidité des règles où la fraude justifie la suspicion et une politique des chiffres.
Pourtant, Nicolas Sarkozy se défend de tenir un double langage, comme il le rappelait lors du diner offert en son honneur au palais de Carthage: « je n’ai pas deux discours, un discours à Paris et un autre dans d’autres capitales ». Il est vrai que le président français a mis l’accent touché deux mots sur l’immigration subie qui ne pourrait être absorbée par la France. Mais l’essentiel de ses propos portaient sur une coopération soutenue et une immigration choisie et désirée, voire même encouragée.
La presse tunisienne enthousiaste
D’ailleurs, l’enthousiasme des médias tunisiens qui annoncent un revirement historique, et la standing ovation des étudiants de l’INSAT, montrent bien que les Tunisiens ont compris le discours dédié à leur capitale. Les médias titraient : « La France s’ouvre à la main d’œuvre et aux étudiants tunisiens » ( Le Temps, 01/05/08), « A l’attention de tous ceux qui veulent immigrer en France : un visa de cinq ans et une facilité de circulation en Europe » (Assarih,01/05/08). Partout, on s’informe, on s’intéresse. Jamais le déplacement d’un chef d’Etat n’a suscité autant d’intérêt. Les recalés et les déçus des services consulaires refont des projets.
L’adhésion au projet de l’union pour la Méditerranée est vu plutôt comme une adhésion à l’Europe, avec ce que cela implique pour la circulation des marchandises ( ce qui existe déjà) et celle des personnes ( ce qui reste à compléter).
L’immigration choisie va de pair avec les besoins de la France, parce que cette dernière a des besoins en main d’œuvre étrangère qu’elle veut attirer. Et elle le fait valoir à Tunis sans complexes. D’ailleurs l’accord signé en matière d’immigration permet l’ouverture du marché du travail français aux Tunisiens hautement qualifiés ou à ceux qui font « des métiers pour lesquels il existe une demande non satisfaite. » Autrement dit tous. On parle là de 77 métiers « qualifiés », qui vont de l’hôtellerie, à la restauration, la construction..
Vrais projets ou simples effets d’annonce ?
Cependant, la communication autour de cet accord omet le volet répressif de l’immigration clandestine. L’Europe déléguera-t-elle à la rive sud l’exercice épineux de la sécurisation de ses frontières ? Ce n’est pas encore clair, on préfère parler de co-développement, de coopération et d’ouverture.
Le président français place au premier rang des échanges la question du « partage du savoir » bien avant les échanges économiques. La France doit s’ouvrir aux étudiants tunisiens – et plus largement méditerranéens – qui ont les même droits que les étudiants français. Parce que son union pour la Méditerranée met tous les pays sur un pied d’égalité dans tous les domaines.
D’ailleurs, en matière de visas « étudiant », l’ambassade a fait beaucoup d’efforts d’information et a réitéré la volonté de la France d’accueillir et de former les jeunes Tunisiens.
L’annonce d’un projet Erasmus à la méditerranéenne devant les étudiants de l’INSAT couronne ces bonnes intentions, et pose beaucoup de questions. « et si les étudiants de la méditerranée, rendez vous compte !, avaient le droit d’étudier dans toutes les universités de la méditerranée. »sous les applaudissements Sarkozy persiste, il y aura bien un changement et une ouverture grâce au projet d’union pour lequel il milite. Des avantages, rien que des avantages. Un standing ovation, et le président se retire sous les applaudissements. Cependant, certains s’interrogent. Comment va s’opérer cette mesure ? Nous nous rendons vers le service de presse de l’ambassade, où l’on nous dit que plusieurs annonces n’étaient pas prévues au discours et que c’est là-même toute la particularité du président… Il faudra donc attendre pour savoir s’il s’agit de vrais projets ou de simples effets d’annonce. Affaire a suivre dans les volets suivants de notre dossier.