Le ministre français de l’Immigration, Eric Besson, a annoncé mardi la transmission aux préfets d’une circulaire précisant les modalités de régularisation des travailleurs sans-papiers. Un millier d’entre eux pourraient obtenir un titre de séjour lors de l’application de cette mesure. Un collectif d’organisations a âprement discuté chaque terme de la circulaire mais au final, il se déclare insatisfait. De son côté, le ministre du Travail qui intervient également dans le dossier souhaiterait renforcer les sanctions contre les entreprises qui embauchent des personnes en situation irrégulière.
Demi-victoire pour les sans-papiers, dans l’« acte II » de leur mouvement, inauguré le 12 octobre. Un cinquième des 5 400 travailleurs mobilisés, soit un millier de personnes, principalement en région parisienne, devraient être régularisés, selon l’estimation « aléatoire » du ministre français de l’Immigration, Eric Besson, interrogé sur le sujet par France Inter. La population des sans papiers représenterait en France environ 400 000 personnes, selon la Confédération générale du travail (CGT).
Un rapport de force loin d’être terminé
Une circulaire de régularisation, âprement discutée avec les syndicats de travailleurs au cours de quatre réunions de préparation, a été transmise mardi aux préfets pour définir les conditions de régularisation des sans-papiers travaillant dans des métiers « en tension », c’est-à-dire en forte recherche de main d’œuvre. Les conditions édictées sont les suivantes : séjourner depuis au moins 5 ans sur le territoire français, avoir au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise, disposer d’une promesse d’embauche pour une durée d’au moins un an et répondre à des critères d’« intégration » comme l’apprentissage de la langue française. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a déclaré à l’AFP que cette circulaire est « trop restrictive » et ne respecte pas le contenu des négociations : « on avait à peu près trouvé un équilibre autour de trois ans [de séjour en France] », explique-t-il.
Eric Besson précise que subsiste pour les préfets, chargés des régularisations, une « marge d’appréciation ». C’est l’une des raisons qui pousse les associations et syndicats qui soutiennent la lutte des sans-papiers à parler de décision « arbitraire » plus que de décision « au cas par cas », comme le font les autorités. Comme l’expliquait fin octobre le militant CGT Benyahia à Afrik.com, Les critères de régularisation varient suivant les préfectures, nous voulons donc une décision centralisée ». Cette revendication qui n’a donc pas été satisfaite.
Pour l’heure, il est d’ailleurs prévu que la grève des sans-papiers continue. Les onze associations et syndicats qui soutiennent le mouvement (CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires, Ligue des Droits de l’Homme, Cimade, Autremonde, Femmes Egalité, RESF, Droits devant !!) souhaitent que les discussions avec le ministère de l’Immigration se poursuivent.
Dimanche devant le mouvement des jeunes du parti (proche de la tendance la plus à gauche du PS), la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a prôné la solution d’une régularisation massive des travailleurs sans-papiers. Une éventualité rejetée catégoriquement mardi par Eric Besson.
Faut-il faire baisser le rideau à Bouygues ou à la RATP ?
Son collègue Xavier Darcos a même menacé les entreprises qui emploient des sans-papiers. Ce week-end en effet, le ministre du Travail a annoncé un renforcement des sanctions contre les employeurs qui recourent au « travail illégal » ou emploient des « travailleurs étrangers sans titre de travail ». Le collectif a tout de suite dénoncé un « amalgame », arguant qu’une « grande partie » des travailleurs sans-papiers sont déclarés, « cotisent » et « paient leurs impôts ».
Même dans son propre ministère, le durcissement des sanctions prôné par Xavier Darcos passe mal. Dans une tribune publiée sur le site Bakchich-, Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du conseil national du Parti socialiste, qualifie de « bluff » les propos du ministre du Travail. Selon lui, il faudrait d’abord pouvoir appliquer les sanctions légales qui existent déjà. Ce qui n’est pas possible avec les effectifs actuels. Il n’y a que 450 inspecteurs de travail pour 1,2 millions d’entreprises. Il faut tout simplement « doubler les effectifs de l’inspection du travail », estime-t-il.
Et s’il fallait fermer les entreprises employant des sans-papiers comme le préconise le ministre, même des mastodontes comme Bouygues (BTP) ou la RATP (métro parisien) ne seraient pas épargnées. (Voir ci-dessous la vidéo réalisée par des sans-papiers sur leurs conditions de travail). La fermeture administrative serait une « sanction collective à l’égard de tous les travailleurs, déclarés ou non », renchérit le collectif de soutien aux sans-papiers.
Pour les syndicats et associations engagés, la priorité reste de donc de protéger les travailleurs et d’« imposer aux employeurs de régler cette situation inacceptable ». Ce que la circulaire d’Eric Besson ne permet pas. Interrogé par Le Parisien, Raymond Chauveau, membre de la CGT et l’un des coordonnateurs du mouvement entamé début octobre dernier pour la régularisation des travailleurs sans-papiers déclare en effet que le contenu de la circulaire du ministre de l’Immigration « signifie que le gouvernement a pris l’option de maintenir des travailleurs sans droit pendant cinq ans et qu’il accepte que les patrons comme Bouygues, Veolia, les restaurants Costes, KFC, Suez, etc. – il faudrait les citer tous – puissent, par le jeu de la sous-traitance et de l’intérim, avoir des salaries sans droit pendant cinq ans ».
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