L’armée malawite poursuit ses patrouilles ce vendredi dans les rues de la capitale Lilongwe au lendemain des manifestations inédites contre le régime du président Bingu wa Mutharika. Au moins dix-huit personnes ont péri dans des affrontements avec les forces de l’ordre.
Mettre un terme à la contestation. C’est dans cet objectif que l’armée a été déployée dans les rues de la capitale par le président malawite Bingu wa Mutharika, suite aux violentes manifestations de mercredi et jeudi contre son régime. Au moins 275 personnes ont été interpellées durant ces deux derniers jours, a indiqué ce vendredi à l’AFP un porte-parole de la police. Dix-huit personnes ont péri et 22 ont été blessées dans des affrontements avec les forces de l’ordre, selon le bilan officiel établi par un porte-parole du ministère de la santé, Henry Chimbal. « Selon nos informations, la plupart des victimes sont mortes de graves hémorragies. Nous allons devoir maintenant établir la cause des décès après l’autopsie des corps », a-t-il affirmé. Neuf morts ont été recensés à Mzuzu, six dans la capitale Lilongwe, deux à Blantyre, la capitale économique du pays, et un autre à Karonga, à la frontière avec la Tanzanie. Selon un militant des droits de l’homme à Mzuzu, les victimes ont été tuées lorsque la police a tiré sur une foule qui s’attaquait à des magasins appartenant à des Chinois et à des bureaux du Parti progressiste démocratique, le parti du président Bingu wa Mutharika.
«Le Malawi est bien gouverné»
Ce mouvement de révolte vise directement le dirigeant malawite, ancien économiste de la Banque mondiale, élu pour la première fois président en 2004. Le Malawi, l’un des pays les plus pauvres au monde, est en proie à une pénurie de carburant depuis que le gouvernement a utilisé les réserves de change pour payer des importations, en juin. Mais le chef d’Etat est également critiqué pour son autoritarisme. Il a exclut de démissionner dans une allocution à la radio après les émeutes. « Comme la Constitution le prévoit, l’autorité pour diriger le gouvernement est entre mes mains et entre celles de personne d’autre », a-t-il déclaré. Il estime que « le Malawi est bien gouverné ». Selon lui, « le manque de réserves de change ou la pénurie de carburant ne peut pas être considéré comme le signe d’une mauvaise gouvernance ou d’un échec de l’Etat ». « Je suis prêt à rencontrer l’opposition et la société civile. Mais vous ne devriez pas laisser les gens piller et saccager les magasins », a-t-il lancé à l’adresse de l’opposition. Le chef de l’Etat n’a pas confirmé le nombre de morts, se contentant de déclarer : « J’ai entendu dire que des gens avaient perdu la vie ».
Répression condamnée
Face à la situation, les Etats-Unis ont condamné le recours à la force et la répression. «Au vu des émeutes et des rumeurs de représailles, nous appelons les deux parties à la retenue», a indiqué l’ambassade américaine à Pretoria dans un communiqué. La chef de la diplomatie de l’Union européenne Catherine Ashton a également « fermement condamné le recours à la force et aux munitions réelles par les autorités du Malawi pour empêcher leurs propres citoyens d’exercer leur droit constitutionnel de manifester pacifiquement ». De même, selon son porte-parole, Martin Nesirky, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon s’est déclaré « inquiet et attristé par les pertes en vies humaines et réitère son appel pour que tous les antagonismes soient résolus par des moyens pacifiques ».
Par ailleurs, les relations entre le Malawi et la Grande-Bretagne se sont particulièrement détériorée depuis la publication d’un câble diplomatique britannique de Wikileaks qualifiant le chef d’Etat malawite de dirigeant « autocratique et intolérant envers les critiques ». L’ambassadeur britannique à Lilongue a été expulsé à la suite de cette révélation. En guise de riposte, la Grande-Bretagne a suspendu son aide économique de 550 millions de dollars (385 millions d’euros) pour les quatre prochaines années.