Encore un crime raciste en Russie, pourtant terre d’accueil de nombreux étudiants étrangers. Samba Lampsar Sall, 28 ans, de nationalité sénégalaise, a été froidement abattu le 7 avril dernier, en sortant d’une discothèque. Alors que un des meurtriers présumés a été arrêté lundi, le gouvernement sénégalais et l’Union africaine pressent les autorités russes afin que les auteurs de ce crime soient « poursuivis et sévèrement punis ».
Par Fabienne Pinel
Vendredi 7 avril, Saint-Pétersbourg, Russie. Un groupe d’étudiants africains sort de boîte de nuit. Une détonation retentit, les jeunes gens s’enfuient avant de se rendre compte que l’un d’eux n’est plus là. Samba Lampsar Sall, étudiant en télécommunications de nationalité sénégalaise, gît dans son sang, assassiné. Non loin de lui, l’arme du crime : une carabine surmontée d’une croix gammée, le symbole nazi. Logiquement, le parquet russe avance la thèse d’un crime raciste. Trois jours plus tard, lundi 10 avril, un homme de 28 ans est arrêté : il est soupçonné d’être un des meurtriers.
Indignations du gouvernement sénégalais et de l’Union africaine
Le gouvernement sénégalais et l’Union africaine appellent les autorités russes à mettre tout en œuvre afin que ce crime soit puni rapidement, car ce n’est pas le premier du genre en Russie. Depuis, la chute de l’empire soviétique, la Russie est confrontée à une explosion des factions d’extrême droite, auparavant contenues par le communisme. Dès lors, les actes racistes se multiplient, non seulement à l’encontre d’Africains, de Tadjiks mais aussi de personnes originaires d’Asie ou d’Amérique latine, et même de ressortissants russes, notamment Caucasiens. En clair, toute personne dont la couleur de peau ne permet pas de passer pour un Russe peut être victime d’agressions racistes. Selon RFI, une organisation non gouvernementale spécialisée dans l’étude des agressions racistes a dénombré six personnes tuées et plus de 79 blessées pour des motifs raciaux depuis le mois de janvier en Russie. Le 25 mars, une petite fille métisse de 9 ans, Liliana Sissoko, est poignardée ; le 24 décembre 2005, un étudiant camerounais, Léon Kanhem, 28 ans, est assassiné ; fin octobre de la même année, un étudiant chinois ; en septembre, un autre élève congolais meurt pour avoir été Noir… La liste détaillée serait longue, et la deuxième ville de Russie, Saint-Pétersbourg, compte parmi les endroits les plus dangereux.
Lever l’impunité des agresseurs
Même si la Russie est signataire de nombreux traités relatifs aux droits humains et à la discrimination raciale, les coupables de crimes racistes restent peu inquiétés. La difficulté, pour les victimes, de porter plainte repose, entre autres, sur « l’indifférence des forces de l’ordre », comme le souligne Désiré Defot, responsable dans une association de ressortissants africains en Russie. Les policiers ne font point diligence pour résoudre ces crimes xénophobes, et qualifient simplement ces agressions d’«hooliganisme ». Même les autorités n’y voient que des actes commis par des voyous. Enfin, les rares agresseurs confrontés à la justice n’écopent que de peines étonnamment légères, vu la gravité des faits. Cette indulgence crée un sentiment d’impunité et favorise la multiplication d’actions violentes de groupuscules racistes d’extrême droite. Une dérive inquiétante pour les droits de l’homme en général et le pays en particulier.