Saïf al-Islam Kadhafi, le fils cadet de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, est sorti de son silence pour réitérer ses accusations concernant le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2007. Dans un échange exclusif avec RFI, via un intermédiaire, Saïf al-Islam a fourni des détails supplémentaires sur l’affaire qui secoue la politique française depuis des années. Bien que Saïf al-Islam n’ait pas accordé d’interview directe, il a rédigé un message de deux pages, affirmant une nouvelle fois que l’ex-Président français avait bénéficié de financements libyens pour sa campagne de 2007.
Le contexte de cette nouvelle prise de parole est directement lié au procès en cours à Paris, dans lequel Nicolas Sarkozy et onze autres prévenus sont jugés pour leur rôle dans l’affaire du financement libyen. Saïf al-Islam Kadhafi avait déjà abordé le sujet lors d’une interview en 2018, mais cette déclaration marquait la première fois qu’il s’exprimait publiquement sur ce sujet depuis 2011, date de la chute du régime de son père.
Les accusations de financement libyen
Saïf al-Islam Kadhafi réitère ses affirmations selon lesquelles Nicolas Sarkozy aurait reçu une somme de 5 millions de dollars en liquide pour financer sa campagne présidentielle. Cette somme, selon lui, aurait été remise en deux versements de 2,5 millions de dollars chacun. En contrepartie, le clan Kadhafi aurait exigé que Sarkozy prenne des mesures en faveur de la Libye, notamment en mettant fin aux poursuites judiciaires concernant l’attentat du DC10 d’UTA en 1989, dans lequel 170 personnes, dont 54 Français, ont perdu la vie.
Selon Saïf al-Islam, ces fonds auraient été transmis par l’intermédiaire de Claude Guéant, alors directeur de cabinet de Sarkozy, et de Béchir Saleh, l’ancien argentier de Kadhafi. Il évoque également une rencontre en 2005, lors de laquelle Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, aurait discuté de ce financement avec le gouvernement libyen. Saïf al-Islam Kadhafi soutient que des enregistrements de cette conversation existent et sont en possession d’Abdallah Senoussi, l’ex-ministre libyen de l’Intérieur. Ces révélations viennent compléter les accusations portées dans le cadre du procès actuel.
Les tentatives de pression sur Saïf al-Islam
Selon Saïf al-Islam, des tentatives ont été faites pour l’amener à changer son témoignage devant la justice. En 2021, par l’intermédiaire de Souha al-Bedri, une consultante basée à Paris, il affirme qu’on lui a proposé de nier toute implication libyenne dans le financement de la campagne de Sarkozy, en échange d’un soutien pour résoudre son dossier devant la Cour pénale internationale (CPI), où il est toujours recherché. Une nouvelle tentative de pression serait intervenue fin 2022, via un émissaire du nom de Noël Dubus, qui aurait approché son frère Hannibal Kadhafi, emprisonné au Liban.
Dubus aurait offert sa libération en échange de l’acceptation d’un faux témoignage en faveur de Sarkozy. Saïf al-Islam assure avoir catégoriquement refusé toutes ces propositions. Ces révélations ont relancé le débat autour de l’affaire du financement libyen, qui remonte à plusieurs années. Selon l’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Christophe Ingrain, ces accusations sont non seulement « fantaisistes », mais également « opportunistes », survenant au moment où le procès entre dans une phase importante. Il rejette fermement les affirmations de Saïf al-Islam Kadhafi, soulignant qu’aucune preuve tangible n’a été présentée jusqu’à présent.
La Libye tarde à extrader Saïf al-Islam Kadhafi
Cette nouvelle prise de parole de Saïf al-Islam Kadhafi intervient alors que le procès de Nicolas Sarkozy pour le financement libyen de sa campagne présidentielle a débuté en janvier 2025. L’ancien Président français a toujours nié les accusations de financement illégal et soutient qu’il n’a jamais eu besoin d’une telle aide financière pour sa campagne. Sarkozy a qualifié les accusations de « calomnies » et a exigé que ceux qui détiennent des preuves viennent les présenter devant la justice.
L’affaire du financement libyen s’inscrit dans un contexte très particulier. Saïf al-Islam, qui avait initialement été emprisonné après la chute du régime de son père en 2011, vit toujours en Libye, où il bénéficie du soutien de certaines tribus, malgré un mandat d’arrêt émis par la CPI pour crimes de guerre. La Libye, quant à elle, ne semble pas disposée à l’extrader, et la situation juridique de Saïf al-Islam reste floue, avec des appels à sa mise en jugement pour son rôle dans la répression violente des révoltes contre le régime de Kadhafi.
La réponse de Nicolas Sarkozy
Face à ces nouvelles accusations, l’avocat de Nicolas Sarkozy a insisté sur le fait que ces affirmations sont sans fondement et qu’elles visent à nuire à son client. Selon Me Ingrain, ces accusations n’ont jamais été corroborées par des preuves tangibles, et les documents promettant de soutenir ces allégations n’ont jamais été remis à la justice. Pour l’avocat, Saïf al-Islam Kadhafi cherche simplement à se venger, après la chute du régime de son père et l’intervention militaire de l’OTAN, qui a été en grande partie orchestrée par Nicolas Sarkozy.