Il y a plus d’un an, Saïd, grand reporter algérien, s’est reconverti. Il est devenu agent de sécurité en région parisienne. La plupart des journalistes exilés tournent le dos à leur métier à leur arrivée en France, malgré le soutien apporté par la Maison des journalistes (MDJ). Mais, comme Saïd, beaucoup rêvent encore de leur ancienne profession…
Saïd, 50 ans, connaît tous les recoins de la gare du Nord. Apprécié de ses collègues, cet agent de sécurité algérien n’est pourtant là que depuis un an. Des horaires difficiles, un boulot stressant, payé 1200 euros net par mois. « Ma situation financière en France n’a rien à voir avec celle que j’avais dans mon pays. Ma seule consolation, c’est que j’ai de bons rapports avec tout le monde ici, mais je regrette beaucoup mon ancien métier », confie-t-il.
Avant, Saïd était grand reporter en Algérie. Il y a un peu plus d’un an, il laisse femme et enfants derrière lui pour débarquer en France. « Je n’ai pas l’âme d’un martyr. Or, dans ce type de régime, les intimidations et les menaces sont un lieu commun ». Pour lui, la vraie agression commence lorsqu’il ne peut plus exercer son métier : « Je ne suis pas le seul. Aujourd’hui encore, il y a des journalistes algériens qui vivent sous les menaces ». Lorsqu’il arrive à la Maison des journalistes (MDJ), fin 2008, il occupe la chambre Le Canard Enchaîné – les médias français qui financent la structure ont donné leurs noms aux quinze chambres de l’établissement.
Itinéraires de journalistes exilés Poussés à fuir leur pays pour sauver leur vie, les journalistes exilés mènent souvent une existence difficile en France, où se loger et retrouver un travail dans la presse est une gageure. Afrik.com a rencontré quatre d’entre eux – Hassan, Rémy, Saïd et Tchéïta – originaires d’Afrique et de la Caraïbe, anciens pensionnaires de la Maison des journalistes (MDJ), à Paris. Nous vous proposons, cette semaine, leurs portraits. Lire la suite |
« Ce métier, c’est mon adrénaline »
Pour Saïd, un journaliste exilé a surtout besoin de retravailler. « Beaucoup de médias français financent la MDJ. C’est bien, mais je préférerais qu’ils nous considèrent comme des collègues. Qu’ils nous fassent passer des tests ou faire des stages par exemple. En tant que journalistes étrangers, on a beaucoup à leur apporter.», estime-t-il. « Et si on a quitté nos pays, c’est bien parce que nous refusions d’être bâillonnés », déclare-t-il. En Algérie, Saïd a été le rédacteur en chef du journal Liberté pendant 4 ans. Aujourd’hui, en France, il multiplie les lettres de motivation et les envois de CV. En vain, malgré ses vingt ans d’expérience.
« Je ne me vois plus retourner en Algérie », confie-t-il. Son regard balaie la pièce. « Mais ce métier, c’est mon adrénaline, il faut que je retourne sur le terrain », argue celui qui a connu, entre autres, l’Afghanistan et le Liban. Il vient de recevoir son passeport de réfugié. En attendant de s’y remettre, il compte lancer un gratuit sur l’agglomération de Rouen, qui lui permettra peut-être de quitter les couloirs de la Gare du Nord.