Saïan Supa Crew : « Hold Up »


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Sir Samuel et Vicelow
Sir Samuel et Vicelow

Saïan Supa Crew poursuit sa tournée européenne, entamée depuis Février 2006. Les cinq MC’s seront en live jusqu’en Mai 2006. Occasion pour eux de revoir leur public, et de faire honneur à leur réputation de « bêtes de scènes ». Et pour Afrik de revenir, avec Sir Samuel et Vicelow, sur « Hold Up », leur dernier projet musical et des orientations prochaines du groupe.

Sir Samuel, Féniksi, Leeroy Késiah, Sly The Mic Buddah et Vicelow forment le Saïan Supa Crew, millésime 2006. Malgré la disparition de KLR et le retrait de Specta, la formation s’attache à poursuivre la mission musicale qu’elle s’est assignée à ses débuts . Originalité se trouve toujours être le nom de code de ce groupe constamment en quête de défi lyrical, technique, et scénique. Les munitions vocales ne manquent pas. Leur micro se met également au service d’un Hold Up ciselé. Les montres sont synchronisées au rythme des bpm d’un album sans bavure.

Afrik.com : Le dernier album du Saïan Supa Crew s’intitule « Hold-up ». Dans quelles conditions avez-vous réalisé cet opus ?

Saïan Supa Crew : Nous sortions tout juste de diverses expériences solo. L’étape de la maquette a été amorcée au moment de la sortie de Vizé Pli O, l’album de Sir Samuel. A la différence des précédents albums, nous avons conçu un opus qui se veut plus collectif, et qui prouve la constance du groupe. Huit mois de studio plus tard, l’album était prêt.

Pourquoi avoir choisi de faire la part belle au sonorité dancefloor ?

Nous avons pensé cet album de manière à ce qu’il ait des répercussions sur scène. En d’autres termes, nous voulions créer un opus énergisant qui demande beaucoup de sueur durant les concerts. Et puis nous nous devions d’utiliser de nouvelles sonorités, de tester de nouveaux concepts…

Il y a eu des dissensions au sein du groupe. Est-ce pour cela que chacun s’est, à un moment donné, orienté vers ses projets solo ?

La vocation première du Saïan Supa Crew consiste à promouvoir les entités qui composent le groupe, à savoir : OFX, Explicit Samouraï, Sly, Sir Samuel. Specta s’est retiré il y a 2 ans. Nous n’avons certainement pas choisi le meilleur moment pour lancer nos projets solos respectifs, cependant nul ne regrette ces initiatives.

Les projets solos seraient-ils en « stand by » ?

Dorénavant les choses se feront étape par étape. Nous n’avons pas pour habitude de courir plusieurs lièvres à la fois. Autrement dit, pour ce qui est du Saïan, tout le monde reste conscient des enjeux du groupe tout en gérant ses propres affaires.

Dans le dernier album, vous avez fait un hymne à la fesse, à travers le morceau « Fesseps ». Pourriez-vous nous en dire deux mots ?

À chaque fois que nous sortons un album, il y a une chanson dédiée à cette partie du corps. Depuis le premier album, nous avons pris l’habitude de faire une dédicace aux femmes. Ce fut le même principe avec « Angela ». Ce n’est pas à prendre au premier degré. Nous sommes fous amoureux des courbes. Et nous pensons ne pas être seuls dans ce cas.

« Rouge Sang » est un autre titre évocateur. Pouvez-vous nous en parler?

Il aurait fait une bande-son parfaite pour le film Constant Gardner. En fait, « Rouge Sang » parle des méfaits de la colonisation sous divers points de vue. Celui des Antillais, mais aussi des Africains, des Indiens et des Américains. Nous avons essayé de faire un constat objectif de ce qu’a été la colonisation.

Que pensez-vous de l’article de loi du 4 février sur le rôle positif de la colonisation ?

Avant même le vote de cette loi, nous répétions qu’il fallait éduquer les masses. Remercions Dieu que cette loi ne soit pas passée. L’école doit informer de l’histoire de France, mais aussi de ce qui s’est réellement passé dans les colonies. Il faut informer sur les conséquences que cela a eu et que ça continu d’avoir. Par exemple, comment expliquer le fait que la population française soit colorée et riche en diversité. Cette loi allait directement à l’encontre de tout cela.

Le morceau « Zone à risques » est consacré aux banlieues françaises. Quelle est la portée de ce titre ?

« Zone à risques » résulte de « Rouge sang ». Il s’agit d’une petite synthèse sur nos conditions de vie actuelles. A travers ce morceau on invite les gens à venir jeter un œil dans les banlieues, plutôt que de s’en tenir à ce qu’on dit et ce qu’on montre à la télévision. Raison pour laquelle nous faisons faire une visite guidée dans l’introduction de la chanson. « Rouge sang » appelle donc « Zone à risque » et « Zone à risque » appelle « Poison », qui est un descriptif des mauvais flics.

Avez-vous le sentiment que les jeunes de banlieues sont rejetés du système français ?

La plupart des personnes qui abordent ce sujet ne savent pas vraiment de quoi elles parlent. C’est exaspérant. En revanche, il y a aussi des mecs de quartiers qui n’abordent pas le thème de manière intelligente. Il faut pouvoir aborder le sujet avec objectivité et reconnaître qu’il y a autant de choses négatives que positives dans les quartiers. Le danger consiste à ne mettre en lumière qu’une minorité de personnes. C’est ce que certains médias ont fait pendant les émeutes de banlieues. Quand on regardait la télévision, on avait l’impression à certains moments d’être à Sarajevo.

Pensez-vous que la crise des banlieues soit due à une mauvaise gestion politique du pays ?

Ceux qui ont brûlé les automobiles se foutent de tout ça. Il s’agit d’un groupe de petits « cons » qui n’ont aucune revendications politiques. C’est juste un effet de mode qui a été engendré par les médias. Le véritable inconvénient vient du fait que les « grands des quartiers » ne puissent même pas être des exemples pour ces jeunes, dans la mesure où ils subissent un système d’exclusion systématique, qui ne leur permet ni de s’exprimer, ni d’être en mesure de raisonner les plus jeunes.

Pourquoi avoir fait le morceau « Jacquot », relatif au Président français ?

À la base, on ne voulait pas parler de Jacques Chirac. Du moins pas aussi directement. Nous voulions faire un clin d’œil aux Antilles. La mélodie du refrain est un son très connu là bas. On a donc repris le concept et on l’a dédié à Jacques. C’est une coïncidence, car nous n’avons pas fait immédiatement le rapprochement. Au final, sans dire une seule fois « Monsieur le Président », on a réussi à parler de lui.

Avez-vous des reproches à lui faire?

Rien de particulier, juste deux ou trois petites choses par-ci par-là (rires). Plus sérieusement, c’est un Président qui est là par cas de force majeure. Quand on y pense, on se dit que « c’est vraiment de la carotte ». D’ordinaire ce genre de réflexions viennent après élection. Mais là, on avait conscience de la portée de nos votes. On a été obligés de voter pour un escroc. Entre constipation et diarrhée, ça reste de la « merde » (rires).

D’aucuns parlent de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007. Qu’en pensez-vous ?

Il ne sera peut-être pas loin d’être Président et ce sera un mal pour un bien. Un avertissement en gros. Mais s’il passe, ce sera la guerre. Les émeutes à côté ne sont rien. Il ne souhaitera pas céder sur de nombreux points, et la scission avec les jeunes va s’élargir. Là réside le danger. On rentrera certainement dans une ère de sécurité outrancière, alors il y aura plus de jeunes marginalisés. Il y aura moins de mélange et moins de rapprochement intercommunautaires.

La France est-t-elle, selon-vous, un pays raciste?

C’est certain. D’autant qu’il y a déjà une sorte de xénophobie à l’intérieur même des différentes communautés. Par exemple, les Antillais et les Africains, les Arabes entre eux. Le racisme est à différents degrés. Nous avons du mal à accepter les différences dans ce pays. Pourtant, être différent n’implique pas une notion de supériorité ou d’infériorité. A croire que l’Etre humain a toujours besoin d’avoir quelqu’un en dessous de lui…

Soutenez-vous les différentes initiatives incitants les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales ?

Oui, si cela tient sur la longueur. Mais bon, on a bien vu comment des personnalités issues de quartiers se sont fait lyncher par certains journalistes et toute la classe politique. « Ils n’ont pas à prendre la parole, ce sont des footeux, des comiques, etc… », pouvait-on entendre. Prenons l’exemple de Lilian Thuram. Ce n’est pas un footballeur habillé en citoyen. Sa vie professionnelle ne peut et ne doit en aucun cas l’empêcher de donner son point de vue. C’est un citoyen de la République, et il a le droit de donner son opinion. Ce n’est pas franchement démocratique de la part de Sarkozy de chercher à faire taire un compatriote.

N’est-il pas difficile de donner son point de vue quand on est sous les projecteurs ?

C’est sûr qu’on voit très vite ses limites. L’on a beau critiquer les Etats-Unis, mais au moins là-bas, il y a des artistes comme Kanye West. Chez nous, il y a qui ? On ne se prend tellement pas en main qu’on ne se sent pas spécialement représenté lorsqu’on voit un rappeur à la télé. Nous n’avons pas suffisamment le droit à la parole, raison pour laquelle on nous entend plus souvent pousser des coups de gueule qu’autre chose.

Vous êtes en train de dire que les rappeurs, ou plus généralement ceux qui se rattachent au mouvement hip-hop, n’ont aucune crédibilité ?

Aujourd’hui, il faut être conscient que les médias se servent de nous. A partir de là, on ne peut pas se permettre de prendre à la légère nos interventions médiatiques. Donc il faudrait s’organiser pour définir le même combat et trouver quelque chose qui nous rassemble. Voilà le fond. Malheureusement, les rappeurs se focalisent actuellement sur leurs histoires personnelles et leurs différends plutôt que sur le message à passer. Les mêmes choses nous mettent en colère et pourtant, cela ne se ressent pas dans ce qu’on dit. Il est dommage qu’il n’y ait pas d’unité dans le discours. Le soi-disant son urbain qui représente les quartiers et tout le reste, c’est de l’hypocrisie. Certains veulent garder leurs victoires de la musique, avoir leurs disques d’or, leurs budgets, donc préfèrent ne pas trop se mouiller. Ils ne redescendent sur terre qu’après deux ou trois échecs commerciaux.

Par Akim Kossoko et Koceila Bouhanik

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