Plusieurs centaines de personnes, militants, représentants du Front Polisario, officiels algériens, sympathisants venus des quatre coins du monde, participaient à une conférence, ce week-end à Alger, à l’invitation du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS), sur le thème du droit des peuples à la résistance. Une rencontre qui mettait en lumière le conflit peu médiatisé qui oppose, depuis 35 ans, les indépendantistes sahraouis au Maroc.
« L’indépendance sahraouie est irrévocable ! Martyr, tu peux reposer en paix, le combat continue », s’exclame Maherez Lamari, le président du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS), organisateur de la conférence. Dans la salle de l’hôtel algérois où sont rassemblées quelque 400 personnes acquises à la cause indépendantiste, des applaudissements et des youyous s’élèvent. Et quand vient le tour du Premier ministre de la République arabe sahraouie et démocratique (RASD), Omar Taleb Abdelkader, qui stigmatise « la répression » et « le pillage » des richesses orchestrés par l’Etat marocain, les chants et les acclamations reprennent de plus belle.
« Intifada », « territoires occupés », « martyres »… Le vocabulaire employé par les orateurs qui se succèdent à la tribune est celui de la cause palestinienne. Un combat qu’ils rapprochent de celui dont ils sont les protagonistes ou les observateurs compatissants. Depuis 1975, après le retrait du colonisateur espagnol, le Sahara occidental est devenu l’objet d’une âpre dispute entre indépendantistes sahraouis, rassemblés au sein du Front Polisario et soutenus par l’Algérie, et l’Etat marocain. Rabat, qui y a assis son autorité, se dit prêt à lui accorder une large autonomie, mais s’oppose catégoriquement à toute idée de référendum d’autodétermination et d’indépendance.
« Le régime marocain refuse le référendum parce qu’il comprend qu’il ne peut mener qu’à l’indépendance », estime le Premier ministre de la RASD, dont le gouvernement en exil est basé dans les camps de Tindouf, dans le Sahara algérien. « Le Maroc doit se rendre à l’évidence qu’en 35 ans, il n’a pas su faire accepter son autorité sur le Sahara occidental », ajoute-t-il. Invité à la tribune pour dénoncer les violences commises contre les activistes sahraouis par la police marocaine, le commandant Ese Okiti, un officier nigérian, ancien membre de la Minurso (Mission de l’ONU pour le Référendum au Sahara), raconte les scènes dont il a été le témoin impuissant à Laâyoune, en 2005 : « Des femmes ont été battues, rouées de coup sous nos yeux… » Pour lui, les forces de l’ONU ne doivent plus se contenter de faire respecter le cessez-le-feu, leur mission doit être « élargie à la protection des droits de l’homme » afin qu’elles puissent réagir face à la violence.
Un leitmotiv : l’organisation d’un référendum d’autodétermination
Dans la salle, de jeunes activistes sahraouis déclarent que la répression se poursuit. Nguia El Hawassi, 19 ans, raconte qu’en 2008, à son retour d’un programme pour la paix en Grande-Bretagne consacré au Sahara occidental, elle a été arrêtée par la police devant chez elle, à Laâyoune, emmenée de force hors de la ville, battue, puis jetée nue dans le désert. Abba Hassana, un étudiant de 27 ans, renchérit, expliquant qu’il a eu droit au même traitement pas plus tard qu’en août dernier. Menacés de représailles s’ils continuaient de protester, ils s’inquiètent du sort qui, à eux comme aux soixante-dix autres militants qui ont fait le déplacement jusqu’à Alger, pourrait leur être réservé à leur retour. Mais ils écartent toute idée de capitulation.
Sur leur avenir au Sahara occidental, ils s’interrogent. Face aux nombreux investissements et au développement des infrastructures entrepris par le Maroc, ils sont sceptiques. « Les autorités marocaines ne font pas toutes ces choses pour nous, mais pour les Marocains qui viennent s’installer dans les territoires occupés, la majorité des emplois sont pour eux », estime Nguia El Hawassi. Mais elle concède qu’aujourd’hui, les jeunes Sahraouis sont partagés quant à la nécessité d’un engagement actif pour l’indépendance. « Il y a deux types de jeunes, analyse-t-elle, ceux qui connaissent la situation et s’impliquent activement, et ceux qui ne la comprennent pas bien et ont peur que la police marocaine les tabassent et les jettent en prison. »
A la conférence d’Alger, les militants et leurs sympathisants venus d’une trentaine de pays de tous les continents affichent une belle unité. L’arrestation de Mustapha Salma Ould Sidi, un ancien membre de la police du Polisario, le 21 septembre dernier à Tindouf, par ses propres collègues, n’est pas à l’ordre du jour. De retour du Maroc, l’homme s’était déclaré favorable au plan d’autonomie chérifien. Interrogé sur le sujet, Omar Boulsan, le Responsable des territoires occupés au sein du gouvernement du RASD, balaye le sujet d’un revers de main : « C’est un policier qui a été acheté par la DGED, l’intelligence militaire marocaine, pour faire de la propagande à l’extérieur. (…) Il a été accusé d’espionnage et donc arrêté. On applique la loi. Il aura droit à un procès, c’est normal ».
A la veille de la reprise des négociations sous l’égide de l’ONU, la résolution finale de la Conférence internationale d’Alger rappelle, une fois de plus, la principale exigence faite à l’institution par les indépendantiste sahraouis : « L’application immédiate des résolutions du Conseil de sécurité, résolutions qui recommandent l’organisation d’un référendum d’autodétermination transparent et loyal », en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Une façon plus solennelle de reprendre le chant par lequel les militants, à gorges déployées, ont ponctué le week-end : « Labadil labadil, antakrir al massir ! (Pas d’autre solution que l’autodétermination !) ».
Interview d’Omar Boulsan, responsable des territoires occupés au sein du gouvernement du RASD
Afrik.com : Pourquoi avez-vous fait arrêter Mustapha Salma Ould Sidi, l’ancien chef de la police du Polisario, mardi dernier ?
Omar Boulsan : Ce n’est pas le chef de la police, il appartient juste au corps de la police sahraouie. C’est un scénario monté par les Marocains pour camoufler les atrocités commises contre le peuple sahraoui. C’est un policier qui a été acheté par la DGED, l’intelligence militaire marocaine, pour faire de la propagande à l’extérieur. C’est la police même, ses propres camarades qui l’ont arrêté.
Afrik.com : Des ONG telles que Human right watch et Council for human watch ont appelé à sa libération immédiate afin qu’il ait un procès équitable. N’est-ce pas embarrassant pour vous de voir des ONG qui vous étaient habituellement favorables se retourner contre vous ?
Omar Boulsan : Elles ne connaissent pas le contenu du problème. C’est un espion qui a été recruté par l’intelligence marocaine. Tout simplement. Il a été accusé d’espionnage et donc arrêté. On applique la loi. Il aura droit à un procès, c’est normal. Il a le droit de s’exprimer. Nous-mêmes avons toujours dit qu’il y a trois options. L’autonomie, la fusion avec le Maroc et l’indépendance. Nous, on lutte pour que le peuple sahraoui puisse choisir entre ces trois options.
Afrik.com : Pourquoi ne faites-vous pas le choix de la lutte armée ?
Omar Boulsan : Nous subissons une pression de la part de tout le monde pour retourner aux armes. Le peuple sahraoui a son bras armé, il a une une armée moderne. Si le peuple de façon souveraine décide de retourner aux armes, il va le faire à travers l’armée sahraouie dans une guerre frontale avec l’armée marocaine, comme cela se passait avant 1991. Mais aujourd’hui, le rôle de tous les citoyens sahraouis encerclés par l’armée sécuritaire marocaine dans les territoires occupés est d’opposer une résistance pacifique, non violente.
Afrik.com : Comment la situation pourrait-elle être débloquée ?
Omar Boulsan : La communauté internationale doit faire pression sur le Maroc pour l’application des résolutions des Nations Unies et du Conseil de sécurité sur la liberté d’expression et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans cette affaire, le dernier mot doit revenir au peuple sahraoui.