« Le Gouvernement algérien a pris connaissance avec un grand regret et une profonde désapprobation de la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara Occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine », a indiqué le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger dans un communiqué publié le jeudi 25 juillet 2024.
Une « décision » qui n’a pas encore été rendue publique, mais qui a été « communiquée officiellement aux autorités algériennes par les autorités françaises ces derniers jours« , provoquant une véritable stupéfaction en Algérie. Le ministère des Affaires étrangères algérien souligne que « les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables« . Emmanuel Macron part en zig-zag, hier disert pour condamner les méfaits du colonialisme en Algérie et en revisiter la mémoire, et soudain prêt à faire le lit d’un nouveau colonialisme dans le pays voisin ? A quoi rimerait cette danse verbale et cette gesticulation?
Rupture de confiance?
De source diplomatique, la colère algérienne est plus profonde car elle reflète une véritable « rupture de confiance » entre les deux pays, pourtant engagés depuis plusieurs années dans un dialogue fructueux et prometteur : quelles puissances sont plus complémentaires en effet que l’Algérie et la France, et comment ne pas voir que leur rapprochement leur donnerait un poids unique dans le jeu international?
Au lieu de quoi, ce sont des intérêts politiciens intérieurs de seconde zone qui primeraient sur des principes internationaux que la France, par son histoire, par les valeurs qu’elle prétend défendre, ne devrait pas pouvoir trahir. Est-ce pour complaire à Eric Ciotti ou à Marine Le Pen qu’Emmanuel Macron abandonne les Sahraouis à leurs colonisateurs marocains? La France sans grandeur et sans hauteur de vue, la France sans fidélité et sans fiabilité… Est-ce toujours la France? Selon le Ministère des Affaires étrangères algériens, « la décision française relève manifestement d’un calcul politique douteux« .
« Cette décision française n’aide pas à réunir les conditions d’un règlement pacifique de la question du Sahara Occidental, elle conforte une impasse, celle créée précisément par le prétendu plan d’autonomie marocain et qui dure depuis plus de dix-sept ans », poursuit le Ministère algérien. Tout indique en effet que la France s’apprête à exprimer plus formellement sa « caution à un fait colonial en apportant un soutien injustifiable à une souveraineté contestée et contestable du Maroc sur le territoire du Sahara Occidental« .Ce qui apparaît d’autant plus malvenu que la France « est un membre permanent du Conseil de Sécurité censé agir en conformité avec les décisions de cet organe d’une manière particulière et avec la légalité internationale d’une manière générale ».
Une décision contraire au droit, et à contre-courant des efforts onusiens
Le fait est que les observateurs internationaux notaient plutôt au cours des derniers mois « une mobilisation des bonnes volontés au sein des Nations Unies à l’effet de donner un nouveau souffle à la recherche d’un règlement au conflit du Sahara Occidental », provoquant une inquiétude croissante de la part du Maroc… Dont la pression a donc été intense ces dernières semaines pour obtenir une expression française « à contre-courant de ces efforts dont elle contrarie et entrave le déploiement dans l’intérêt supérieur de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans la région », pour reprendre les termes du Communiqué du Ministère algérien.
De fait, l’Algérie ne peut que réaffirmer la cohérence de son engagement, depuis 62 ans, « aux côtés de tous les peuples qui subissent une colonisation, à commencer aujourd’hui par les peuples Palestinien et Sahraoui« , comme l’avait très clairement souligné l’Ambassadeur algérien en France Saïd Moussi dans un émouvant discours prononcé à l’occasion de la Fête de l’Indépendance, il ya quelques jours à peine, en présence de leurs deux représentants en France. Y avait-il déjà anguille sous roche?
Mais à l’inverse, quelle confiance accorder à un État dont la politique étrangère part en zig-zag au mépris de ses responsabilités internationales? C’est la triste conclusion à laquelle arrive le Communiqué du 25 juillet : « Le Gouvernement algérien tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française, dont le Gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité ».