Peter Van Walsum, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, a mis les pieds dans le plat en demandant, dans un avis «personnel», aux Sahraouis de renoncer à l’indépendance au motif qu’elle serait un objectif non réalisable. Il donne ainsi une idée très claire de l’objectif qu’il cherche à atteindre par les pourparlers de Manhasset.
Pour Peter Van Walsum, le but de Manhasset n’est donc pas de chercher à aller vers l’objectif, toujours proclamé par l’Onu, de l’exercice de l’autodétermination mais d’amener le Front Polisario à transiger. En clair, supprimer l’option de l’indépendance au nom du «respect de la réalité politique» qui supplanterait la légalité internationale. Car, on le sait, les partisans du Maroc ont un problème avec la légalité internationale qui reconnaît que les Sahraouis doivent exercer leur droit à l’autodétermination.
Sans surprise, le Polisario a vivement réagi à la sortie de Peter Van Walsum qu’il a accusé de chercher «à influer» sur les débats. «M. Van Walsun annonce sa couleur et se disqualifie comme médiateur», alors que «son rôle est de défendre le rapport du secrétaire général et d’agir dans son contexte», a déclaré Omar Mansour, représentant du Front Polisario en France. «Au nom de quel droit peut-on défendre l’indépendance du Kosovo et faire des acrobaties pour justifier l’occupation illégale du Maroc au Sahara Occidental». La réaction du Polisario est d’autant plus vive que la sortie «personnelle» de M. Van Walsum, saluée immédiatement par les Américains, prend l’allure d’une escalade dans la pression sur les Sahraouis. Les idées personnelles de Peter Van Walsum «méritent d’être sérieusement prises en considération», a déclaré l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, Zalmay Khalilzad.
Le Polisario: « irrecevable ! »
«C’est un homme qui a passé beaucoup de temps à travailler sur ce dossier et il a présenté une analyse et des suggestions franches qui méritent une considération sérieuse», a-t-il déclaré. Voilà une assertion qui s’appliquerait plus sérieusement à James Baker qui a travaillé longuement sur le dossier et qui a présenté une solution qui porte son nom. La différence fondamentale est que James Baker travaillait en conformité avec la légalité internationale, c’est-à-dire dans le sens de l’autodétermination. Abandonner l’option d’indépendance ? La réponse du ministre sahraoui des Affaires étrangères Mohamed Ould Salek est sans ambages: «L’indépendance du peuple sahraoui est irréversible. C’est le colonialisme et l’occupation étrangère par la force qui sont dépassés». Il a estimé que la position de Peter Van Walsum est «une opinion personnelle qui ne reflète pas la position des Nations unies. Elle est irrecevable». L’écart du représentant personnel du secrétaire général est si grand qu’on se demande s’il peut désormais assumer sa mission de médiateur dans les négociations entre le Maroc et le Polisario.
Manoeuvre délibérée
L’ambassadeur d’Afrique du Sud, Dumisani Kumalo, qui préside le Conseil de sécurité en avril, a noté le caractère contradictoire des discours de M. Van Walsum et du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Sur le fond, il récuse le principe avancé par Van Walsum de l’impératif de renoncer à la légalité internationale afin de tenir compte de la «réalité politique». C’est comme si la légalité internationale aurait dû renoncer au mouvement de décolonisation de l’Afrique au nom de la «réalité politique». Or, la légalité internationale a pour vocation de changer la réalité politique et non à s’y plier. A juste titre, M. Kumalo a exprimé son désaccord de fond avec le point de vue de M. Van Walsum. «Si nous nous engageons dans cette voie, nous devrions aussi dire aux Palestiniens de renoncer». Van Walsum n’a pas commis une erreur professionnelle. Sa sortie est délibérée et obéit clairement aux desiderata des Occidentaux: que le Polisario se plie aux exigences du Maroc. C’est à Ban Ki-moon de gérer désormais les conséquences de ce formidable écart.
Par M. Saâdoune pour Le Quotidien d’Oran