Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à huis clos mercredi soir à New York pour discuter de l’avenir de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), une mission établie pour permettre au peuple sahraoui de décider de son avenir, soit par l’indépendance, soit par une intégration au Maroc. Dans un premier temps, le Conseil de sécurité proroge le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 octobre 2025, mais la nécessité d’avancer concrètement est posée.
Depuis des décennies, la question du Sahara occidental demeure l’un des dossiers les plus épineux sur la scène internationale, avec des positions tranchées entre les partisans de l’autodétermination et le Maroc qui revendique un statut spécifique pour le territoire. Le Conseil de Sécurité de l’ONU souhaite aboutir dans les prochains mois à une avancée significative du dossier.
Un tournant juridique décisif avec l’arrêt de la CJUE
Le statu quo devient compliqué à maintenir sur la question du Sahara occidental. En effet, le 4 octobre 2024 la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a annulé deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l’Union européenne qui incluaient illégalement les territoires sahraouis occupés. Cet arrêt, en annulant des accords commerciaux importants, remet sur le devant de la scène la question de la souveraineté et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Dans cette décision historique, la CJUE a jugé que les accords portant sur l’agriculture et la pêche enfreignaient les droits des populations sahraouies en incluant le Sahara occidental dans leur champ d’application, cela en contradiction avec le droit international. En concluant ces accords, l’Union européenne aurait implicitement reconnu la souveraineté marocaine sur un territoire que les Nations Unies considèrent comme non autonome et en attente d’un processus de décolonisation. Le Front Polisario a salué cette décision comme une « victoire historique » vers la reconnaissance internationale du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Une mission bloquée, des tensions persistantes
Pour son rapport, sous la présidence de la Suisse, le Conseil de sécurité a écouté les exposés de Staffan de Mistura, envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, et Alexander Ivanko, chef de la MINURSO. Les rapports ont fait état d’une détérioration continue de la situation sur le terrain, marquée par des incidents entre les forces marocaines et le Front Polisario et une absence persistante de cessez-le-feu. En outre, le rapport note que tout espoir de progrès vers une résolution pacifique reste bloqué, notamment car le Maroc continue de refuser la tenue du référendum initialement prévu qui doit permettre au peuple sahraoui de décider librement de son avenir.
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné que la situation au Sahara occidental est devenue « plus urgente que jamais ». Il a réaffirmé la nécessité de trouver une solution politique « juste, durable et mutuellement acceptable » pour permettre l’autodétermination du peuple sahraoui. Dans ce contexte, il a recommandé de prolonger le mandat de la MINURSO jusqu’en octobre 2025, tout en appelant à un engagement sans condition préalable des parties concernées, notamment du Maroc, accusé de fixer des conditions qui bloquent le processus.
La décolonisation, un droit inaliénable
Le président sahraoui, Brahim Ghali, a adressé une lettre au Secrétaire général de l’ONU rappelant que la question du Sahara occidental est une question de décolonisation qui doit être résolue conformément à la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette résolution, adoptée en 1960, appelle à l’indépendance des peuples colonisés. Le droit à l’autodétermination est ainsi considéré par les Sahraouis comme inaliénable, et toute solution politique qui ne respecte pas ce principe est jugée inacceptable.
La position des Nations unies sur ce sujet est claire depuis des décennies : le Sahara occidental reste un territoire non autonome et la résolution de la question doit passer par un processus de décolonisation, incluant la tenue d’un référendum pour déterminer l’avenir du territoire. Malgré plusieurs tentatives pour relancer le processus de paix, les divergences entre les deux camps, exacerbées par des tensions régionales, continuent de freiner toute avancée significative.
L’implication continue de l’Algérie
Lors de la réunion du Conseil de sécurité, le représentant de l’Algérie, Amar Bendjama, a réitéré le soutien de son pays à l’autodétermination du peuple sahraoui et aux efforts de l’ONU pour trouver une solution politique à la question. L’Algérie, soutien historique du Front Polisario, rappelle que toute solution imposée par le Maroc, y compris l’option d’une autonomie sous souveraineté marocaine, est contraire aux principes de l’ONU.
Cette position algérienne s’inscrit dans une vision plus large de la défense des droits des peuples opprimés, un parallèle étant souvent établi entre la situation des Sahraouis et celle des Palestiniens. L’Algérie met également en lumière les violations des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés, pointant du doigt les disparitions forcées, les tortures et les restrictions imposées aux militants sahraouis. Une situation que énoncent aussi les grandes ONG internationales comme Amnesty International ou HRW dont les rapports annuels sont accablants pour le Maroc.
Un espoir fragile mais persistant
Malgré les nombreux obstacles, Guterres a souligné l’importance de la volonté politique pour faire avancer le processus de paix. La MINURSO, bien qu’affaiblie, reste un instrument clé pour surveiller la situation et préparer le terrain à une solution durable. Le Secrétaire général a également mis en garde contre l’absence persistante d’accès pour le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) au Sahara occidental, ce qui empêche une évaluation complète de la situation sur le terrain.
Alors que le conflit approche de son cinquantième anniversaire, la communauté internationale se retrouve à nouveau face à l’éternelle question : comment sortir de l’impasse actuelle ? Les Nations unies restent convaincues qu’une solution est possible, mais elle exige des compromis et une implication active de toutes les parties concernées, y compris la communauté internationale, pour assurer la stabilité de la région et le respect des droits des Sahraouis.
En l’absence de cessez-le-feu total et de progrès dans les négociations, le risque d’une escalade du conflit reste élevé, menaçant la stabilité de toute la région nord-africaine. La solution au Sahara occidental est donc une affaire centrale pour l’ONU. Et c’est aussi une question de crédibilité alors que la question palestinienne fragilise déjà l’organisation internationale qui se doit de garantir l’application du droit à l’autodétermination, pierre angulaire de la décolonisation et des droits des peuples.