Deux histoires de maltraitance masculine largement étalées dans la presse sont venues rappeler aux Kenyans que le sexe fort pouvait également être l’objet de violences conjugales. Au point d’exagérer l’ampleur du phénomène et banaliser les violences faîtes aux femmes, autrement plus nombreuses. Le 25 novembre prochain, à Nairobi, ces dernières invitent les hommes à s’ouvrir et à faire état de leurs souffrances.
Plus de 800 000 hommes battus dans le monde… et des témoignages de victimes kenyanes qui commencent à poindre. Il n’a pas fallu plus de deux affaires successives relatées dans la presse nationale et continentale, ces derniers mois, pour que les Kenyans prennent conscience du phénomène. Au point de reléguer la question des femmes battues, par la force des choses, au rang de banalité. « Si on apprend que dix femmes ont été battues en un jour, l’information ne sera pas reprise par les médias. Mais si un homme a été violenté par sa femme, cela fait une ‘news’ », résume Anne Gathumbi, directrice de la Coalition contre la violence faite aux femmes (Coalition on violence against women, Covaw Kenya). Pour elle, la couverture récente par les médias de ce phénomène ne signifie pas forcément que les cas d’hommes battus sont en augmentation. En revanche, cela peut vouloir dire que ces mâles, à qui l’on a appris à ne pas pleurer, à plus forte raison lorsqu’ils sont victimes d’une femme, hésitent de moins en moins à se plaindre.
Cinq hommes par semaine font état des violences que leur font subir leurs femmes, selon Daniel Mbekar, le Président de l’association « Les hommes pour l’égalité des sexes » (Men for Gender Equality Change Now). En comparaison, sept femmes par jours contactent la Covaw. Un chiffre bien en deçà de la réalité puisque « la majorité des femmes battues ne se signalent pas », précise Anne Gathumbi.
Frappé et laissé pour mort
Voilà trois mois, John Irungu, marié, père de deux enfants, a demandé le divorce parce qu’il ne supportait plus d’être frappé par sa femme. L’employé municipal a expliqué à une cour de justice « amusée », rapporte le quotidien kenyan The Nation, comment sa femme s’en est gratuitement prise à lui,le 15 janvier dernier, à son retour de travail, : « Alors que j’étais étendu sur le lit, elle est entrée et m’a frappé avec une barre de métal sur la bouche. Je ne sais pas pourquoi elle s’en est prise à moi puisqu’elle refuse de me parler. J’ai souffert pendant cinq ans et je ne veux plus la voir. » Plus récemment, le 16 octobre dernier, c’est la femme d’un jeune Kenyan âgé de 21 ans qui a été arrêtée pour l’avoir agressé physiquement. « Cette fois, elle m’a frappé et m’a laissé pour mort », explique George Angwenyi, qui avoue avoir été violenté durant des années. En 24 heures, Melen Kerubo, sa femme, était devant la justice. « Les autorités devraient justement montrer autant de célérité à traduire les hommes en justice lorsqu’ils agissent de façon criminelle », estime Anne Gathumbi, qui souhaiterait un traitement égal des violences conjugales.
Violences urbaines
La couverture de ces faits divers aura eu le mérite de casser un tabou et donner de l’élan à l’association « Les hommes pour l’égalité des sexes » , dont les membres augmentent quotidiennement, selon son président. Daniel Mbekar explique que la maltraitance masculine se concentre essentiellement dans les zones urbaines. Elle serait due au chômage grandissant au Kenya et à la sensibilisation des femmes à l’égalité des sexes, notamment dans le domaine des tâches ménagères. « Elles attendent de leurs époux qu’ils s’attellent à des rôles culturellement dévolus à la femme », explique-t-il. « Si l’homme refuse, le conflit se déclenche et peut déboucher sur le tabassage de ce dernier. » Sans s’étendre sur cette dernière analyse, Katama Mkangi, professeur de sociologie à l’Université des Etats-Unis de Nairobi, partage le même constat que Daniel Mbekar quant à l’origine et à l’ampleur du phénomène. Ainsi, explique-t-il, « une femme aisée devient aussi violente qu’un homme lorsque sa situation peut être exploitée pour imposer sa supériorité. » Notamment envers un époux sans emploi. Si en plus il traîne à la maison sans faire un peu de ménage…
Le 25 novembre prochain, le Réseau de développement et de communication des femmes (Femnet), agence des Nations unies, accueille le Réseau des hommes contre la violence entre les sexes. L’occasion pour des hommes venant de onze pays est-africains – Kenya, Ouganda, Tanzanie, Malawi, Zimbabwe, Botswana, Namibie, Afrique du Sud, Mozambique, Rwanda et Burundi – de s’entretenir sans honte sur cette question.