La Commission nationale rwandaise chargée d’enquêter sur le rôle de la France dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994, a organisé mardi, à Kigali, la deuxième audition des témoins à charge sur les accusations portées contre le gouvernement français pour son rôle dans cette tragédie.
Reprise des auditions des témoins à charge contre la France dans l’affaire du génoncide
Jean de Dieu Mucyo, le président de la Commission nationale rwandaise chargée d’enquêter sur le rôle de la France dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994, a déclaré à la presse que cette deuxième phase des auditions concerne les témoins des faits, qui ont collaboré notamment avec l’armée française dans l’exécution du génocide.
Le premier témoin entendu a été Nzeyimana Isidore, un ancien membre des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) entré dans l’armée en 1986, formé à l’artillerie lourde et qui a combattu sur les fronts des ex- FAR avant d’être réintégré dans la nouvelle armée rwandaise après le génocide.
Celui-ci a indiqué à la commission qu’au début de la guerre, les Français ont monopolisé la coopération militaire au détriment d’autres partenaires et ils ont excessivement fourni des ressources à l’armée rwandaise. »Ils ont supplanté les Belges au camp Bigogwe et dans la gestion des autres établissements de formation militaire. Ils ont aussi remplacé les Chinois dans la fourniture des pièces d’artillerie, de même que les radios des transmissions auparavant fournies par les Belges ».
Des militaires des ex-FAR accusent l’armée française
Il a aussi accusé les Français d’avoir « changé le système de communication militaire, fourni de nouveaux hélicoptères à infrarouge, ainsi que des blindés ». »Les Français ont outrepassé le mandat de coopération militaire. Ils auraient pu soutenir le processus de paix d’Arusha plutôt que d’appuyer une partie des Rwandais (en l’occurrence le régime Habyarimana) contre d’autres (le Front patriotique rwandais) », a-t-il fait remarquer. « A l’époque, les soldats français ont voulu lancer des bombes à phosphore sur le mouvement rebelle du Front patriotique rwandais (FPR) dans les maquis de la forêt des volcans et c’est le gouvernement rwandais qui s’y est opposé en raison des ravages potentiels de cette arme sur l’environnement, notamment le parc naturel », a-t-il ajouté.
A la question des commissaires qui voulaient tester la crédibilité du témoignage, le témoin a précisé qu’en tant qu’un des rares spécialistes rwandais de la topographie de l’artillerie, il participait aux réunions des commandants des bataillons lors de l’opération « Tam Tam » menée conjointement par les ex-FAR et les troupes françaises.
Dans le même registre, le témoin a démontré que dans leur contact avec la population, les soldats français étaient particulièrement intéressés par les distinctions entre les Hutu et les Tutsi et « ils étaient visiblement favorables aux premiers et contre les seconds ».
De son côté, un autre ancien militaire des ex-FAR, le caporal Jean Damascène Kaburame, a indiqué que les Français ont formé les miliciens Interahamwe et ont fourni des armes aux civils dans la stratégie d’auto-défense civile. « Ces entraînements étaient donnés essentiellement à Gabiro (nord-est du pays) », a-t-il expliqué.
D’autres témoins à charge seront entendus par la commission qui devrait siéger jusqu’à vendredi.