La campagne électorale pour la présidentielle du 9 août a été lancée ce mardi au Rwanda dans une ambiance délétère. Assassinats et interpellations d’opposants et de journalistes indépendants se sont multipliés au cours de ces derniers mois. La communauté internationale exhorte Paul Kagamé à veiller au respect des droits de l’homme.
Ambiance tendue au Rwanda, ce mardi, à l’ouverture de la campagne électorale pour la présidentielle du 9 août. Bien qu’il soit assuré de sa réélection, le président Paul Kagamé qui a tenu son premier meeting de campagne est soupçonné d’avoir manœuvré pour écarter tout candidat pouvant gêner son plébiscite annoncé. Assassinats, arrestations et intimidations ont ponctué les derniers mois qui ont précédé le lancement officiel de la campagne. « La Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) appelle à mettre un terme à l’actuelle vague de violence au Rwanda et demande une enquête indépendante et impartiale sur les assassinats d’opposants politiques et de journalistes », lit-on dans un communiqué publié lundi par l’organisation non gouvernementale. Elle qualifie d’« escalade de la violence et de la répression », la situation qui prévaut au Pays des milles collines.
Mercredi dernier, le corps de l’opposant André Kagwa Rwisereka, vice-président du Parti démocratique vert a été retrouvé dans un marais, au sud, du Rwanda. Quasi-décapité. Le 24 juin, c’est le corps de Jean Léonard Rugambage, rédacteur en chef du journal Umuvugizi, une publication bannie par le pouvoir rwandais, qui avait été retrouvé à son domicile de Kigali, criblé de balles. Cela après qu’il eût émis l’hypothèse de l’implication des autorités de Kigali dans la tentative d’assassinat, cinq jours plus tôt à Johannesburg, du général Faustin Kayumba Nyamwasa, un ancien compagnon de guerre de Paul Kagamé passé à l’opposition. En février et en mai, deux attaques à la grenade ont fait deux morts et plusieurs dizaines de blessés à Kigali. Parallèlement à ces crimes non encore élucidés, plusieurs opposants et journalistes ont été interpellés, au nom de la préservation de la sécurité personnelle de Paul Kagamé ou de celle de l’Etat.
Signes d’une dérive dictatoriale
Tout ce qui aurait pu gêner le plébiscite de Paul Kagamé semble subir les foudres de l’homme fort de Kigali. Le parti Vert dont le vice président a été assassiné n’a pas obtenu son enregistrement. Idem pour les Forces Démocratiques Unifiées (FDU). Libérée après une brève interpellation, la présidente de cette dernière formation, Victoire Ingabiré a été placée sous contrôle judiciaire et inculpée pour « négation du génocide et complicité de terrorisme ». Quant au Parti socialiste Imberakuri, son leader Bernard Ntaganda est en prison depuis bientôt un mois, pour les mêmes motifs.
Les trois seules personnes autorisées à candidater pour la présidentielle sont réputées proches de Paul Kagamé. Il s’agit de Jean-Damascène Ntawukuriryayo, le vice-président de l’Assemblée nationale et ex-ministre de la Santé, Prosper Higiro, vice-président du Sénat et ancien ministre du Commerce et Alvera Mukabaramb, seule femme à se présenter. Déjà candidate lors du dernier scrutin présidentielle, celle-ci s’était désistée au dernier moment, et avait appelé à voter Kagamé.
La communauté internationale demande des comptes au président
rwandais à propos de la violation des droits de l’homme dans son pays. Le Premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero a renoncé vendredi dernier à coprésider avec lui à Madrid, une rencontre de l’ONU sur la pauvreté. De son côté, le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, a exhorté le pouvoir rwandais, a élucider certains meurtres commis ces dernières semaines. La FIDH a enfin appelé Kigali à se conformer aux dispositions de la résolution sur les élections en Afrique, en particulier celles appelant les Etats à « veiller à ce que toutes les parties concernées puissent mener leur campagne librement, sans violence ni intimidation », et à « protéger, avant, pendant et après les élections, les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme, les observateurs et superviseurs électoraux des intimidations et autres abus des droits humains.»