Le secrétaire général de l’ONU aura eu 24 heures pour tenter d’amadouer le chef de l’Etat rwandais. Mardi et mercredi, Ban Ki-moon a essayé de faire revenir sur sa décision Paul Kagamé. Le dirigeant africain menace de retirer ses troupes du Soudan, pour protester contre la prochaine publication d’un rapport de l’ONU qui accuse l’armée rwandaise d’avoir massacré des Hutu, réfugiés en RDC. Dans le même temps, un procès intenté contre la Belgique s’est ouvert à Bruxelles. Deux rescapés du génocide rwandais accusent les casques bleus belges d’avoir laissé sans protection 2000 réfugiés tutsi. Seize ans après, ce génocide demeure un sujet extrêmement sensible.
Une rencontre placée sous le signe de la réconciliation. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Onu s’est rendu, mardi et mercredi, pour une visite éclair, à Kigali. Son objectif : « recoller les morceaux » avec le président rwandais qui souhaite retirer ses 3550 soldats du Soudan, en proie à une guerre civile. Cette annonce intervient après la découverte au mois d’août dernier d’un rapport des Nations unies qui accuse l’armée rwandaise de massacres en RDC.
Paul Kagamé « chouchouté »
Pour convaincre Kigali de revenir sur sa décision, le secrétaire général de l’Onu s’est lancé dans une véritable « opération séduction ». « Les forces rwandaises sont bien équipées, hautement disciplinées et respectées partout pour leur importante contribution à la paix et à la sécurité dans la région », a déclaré Ban Ki-moon. Et d’ajouter : « j’exhorte le président Kagame à poursuivre une contribution aussi noble partout dans le monde, et en particulier alors que nous allons assister à un véritable référendum au Soudan en janvier prochain ».
Derrière ces louanges, Ban Ki-moon cherche à faire oublier le projet de rapport de l’ONU, révélé le 26 août dernier par le quotidien français Le Monde, qui accuse l’armée rwandaise de possibles crimes de génocide commis pendant la première guerre en RDC (1996-1998) à l’encontre des Hutu rwandais réfugiés dans l’est de ce pays.
L’ONU s’adoucit
En plus de l’envoi de son secrétaire général au Rwanda, l’Onu a annoncé la semaine dernière le report de la publication du rapport au 1er octobre, afin de laisser le temps aux « Etats concernés » de faire des commentaires qui seront ajoutés au document. « Nous sommes convenus de poursuivre le dialogue sur toutes ces questions quand le président Kagamé se rendra à New York ce mois-ci », à l’occasion d’un sommet des Nations unies sur la lutte contre la maladie et la pauvreté, a indiqué M. Ban.
Plus d’un million de Hutu rwandais s’étaient réfugiés chez le voisin congolais par crainte de représailles après la prise de pouvoir au Rwanda en juillet 1994 de la guérilla du Front patriotique rwandais (FPR), à majorité tutsi, qui a mis un terme au génocide perpétré contre la minorité tutsi de ce pays.
Génocide : qui sont les coupables?
Alors que l’Onu s’interroge sur les responsabilités de l’armée rwandaise dans le massacre des Hutu, un procès intenté par deux rescapés du génocide rwandais à la Belgique s’est ouvert mercredi à Bruxelles. Le tribunal devrait déterminer si le pays est coupable d’avoir laissé se produire un massacre de plus de 2000 réfugiés.
Le 7 avril 1994, au lendemain du déclenchement du génocide par des extrémistes hutus, le contingent belge de la Minuar, la mission de l’ONU déployée au Rwanda, avait laissé sans protection 2000 réfugiés, principalement tustsi. Sur ordre de Bruxelles, les casques bleus avaient quitté en hâte Kigali, laissant derrière eux des milliers de personnes. « La plupart d’entre eux ont été abattus à la mitrailleuse et achevés à la machette peu de temps après le départ des Belges », a rappelé devant le tribunal civil de Bruxelles l’avocat d’une des plaignantes, Me Eric Gillet.
Le dossier sur le génocide rwandais est loin d’être réglé. Malgré les innombrables procès de génocidaires présumés, les interrogations sur les responsabilités des forces en présence au Rwanda à cette période demeurent toujours aussi présentes.
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