
Les sanctions imposées par les pays occidentaux à la rébellion AFC/M23 et au Rwanda pourraient faire dérailler les processus de médiation régionale en cours qui visent à rétablir la paix dans l’Est de la RDC, prévient la Plateforme de la société civile rwandaise (RCSP), un organisme faîtier des organisations de la société civile au Rwanda.
Bruxelles, avec qui Kigali a rompu ses relations diplomatiques lundi, a été à l’origine des appels lancés aux pays européens pour qu’ils sanctionnent le Rwanda. Ce, en raison de son soutien présumé aux rebelles de l’AFC/M23, une alliance politico-militaire congolaise qui lutte pour une gouvernance respectueuse des droits humains fondamentaux. Les dirigeants de la rébellion se sont engagés à réduire le tribalisme, le népotisme, la corruption et l’idéologie du génocide, entre autres vices répandus en RDC.
Les FDLR, une milice terroriste soutenue par la RDC et la Belgique
Au cours des deux derniers mois, les rebelles ont réalisé des gains territoriaux rapides, notamment la prise de villes clés après avoir vaincu une vaste coalition de l’armée congolaise qui comprend les FDLR, une milice terroriste soutenue par la RDC et la Belgique, fondée par les restes des cerveaux du génocide de 1994 contre les Tutsis.
Le conflit en cours, qui opposait initialement la coalition armée congolaise – composée de centaines de combattants des FDLR, de plus de 10 000 soldats burundais, de 1 600 mercenaires européens, des forces de la SADC dirigées par l’Afrique du Sud et des Casques bleus de l’ONU – aux rebelles du M23, a débuté en 2021. Le gouvernement congolais affirme que le Rwanda soutient les rebelles, une accusation rejetée par Kigali.
Combats déclenchés par les violations constantes du cessez-le-feu
Malgré leur héritage ou leur culture rwandaise, la majorité des rebelles du M23 étaient initialement issus de la communauté congolaise kinyarwandaphone, opprimée par son propre gouvernement depuis des décennies. Les rebelles du M23 font désormais partie d’une coalition rebelle plus large, l’Alliance fleuve Congo (AFC), créée en décembre 2023 et dirigée par Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale congolaise (CENI).
Après de violents combats déclenchés par les violations constantes du cessez-le-feu précédemment établi par la coalition militaire congolaise, les rebelles ont pris Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, le 27 janvier, et y ont rétabli l’ordre. Les rebelles ont intégré dans leurs rangs des centaines de soldats gouvernementaux qui se sont rendus après la prise de Goma.
Progression spectaculaire de l’alliance AFC/M23
Alors que la situation sécuritaire au Sud-Kivu se détériorait, sur fond de violences, de pillages et d’abus relayés par la coalition militaire congolaise, les rebelles ont de nouveau progressé. Ils ont d’abord pris l’aéroport stratégique de Kavumu, avant de se diriger vers le sud pour s’emparer de la capitale régionale, Bukavu, le 15 février.
Lire aussi : L’Alliance Fleuve Congo/M23 établit une administration parallèle à Goma
Lundi, l’UE a sanctionné trois officiers militaires rwandais, invoquant leurs liens avec la rébellion congolaise. Les sanctions, qui comprennent le gel des avoirs, ont également été appliquées au directeur général de l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz. L’UE a accusé l’agence d’exploiter le conflit en RDC pour extraire des minerais précieux de l’est de ce pays mal gouverné.
« Les sanctions peuvent compliquer les efforts de médiation »
Le même lundi, la rébellion AFC/M23 a exprimé « son profond regret que certaines institutions internationales s’emploient délibérément à saboter les efforts de paix » en RDC et à rendre impossibles les pourparlers tant attendus. « Les sanctions successives imposées à nos membres, y compris celles adoptées à la veille des discussions de Luanda, compromettent gravement le dialogue direct et empêchent toute avancée ».
Lire aussi : La Belgique fait capoter les négociations Kinshasa / AFC-M23 !
En conséquence, les rebelles se sont retirés des pourparlers de paix avec le gouvernement congolais, quelques heures avant le début des négociations dans la capitale angolaise, le mardi 18 mars. Dans une déclaration commune, le RCSP a déclaré : « Des recherches convaincantes et faisant autorité suggèrent en effet que les sanctions peuvent compliquer les efforts de médiation en favorisant l’exclusion, en encourageant les parties non sanctionnées, en réduisant l’espace de médiation et en compromettant l’impartialité du médiateur ».
« Garantir une large participation aux négociations »
« Les sanctions ne sont guère efficaces pour débloquer les négociations, encourager la coopération, garantir une large participation aux négociations et faciliter leur ouverture. Elles peuvent aggraver les conflits en renforçant involontairement les positions des acteurs radicaux, ce qui accroît la résistance à une résolution négociée et, in fine, prolonge le conflit », a poursuivi la Plateforme de la société civile rwandaise.
Le RCSP a fait valoir que les sanctions peuvent nuire de manière disproportionnée aux populations civiles, engendrer des difficultés économiques, potentiellement alimenter l’instabilité et le ressentiment, en plus de mettre à rude épreuve la coopération internationale et de saper le principe d’action collective, que la plateforme juge capitale pour une résolution efficace des conflits.