La police rwandaise a annoncé le 17 février dernier le décès par suicide du célèbre chanteur Kizito Mihigo alors qu’il était place en détention au poste de Remera à Kigali. Si Marie Michelle Umuhoza, porte-parole du Bureau d’enquêtes rwandais, a indiqué que le chanteur Mihigo s’est servi de son draps pour se suicider, des voix s’élèvent pour pointer du doigt le régime de Kigali.
En effet, ce décès qui vient s’ajouter à une liste de disparitions, de meurtres et décès suspects d’opposants et autres personnalités hostiles au régime en place a suscité plusieurs réactions tant au niveau national qu’international.
Quand les organisations de défense des droits de l’Homme montent au créneau
Dans un article posté sur son site, le 20 février, l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, a appelé le gouvernement rwandais à mener une enquête indépendante et transparente sur le décès Kizito Mihigo.
« Quelle que soit la cause de la mort de Kizito Mihigo, il incombait à la police rwandaise de protéger sa vie et d’assurer sa sécurité en détention. Lorsqu’il s’agit de l’Etat de droit et du respect des droits humains, les partenaires et bailleurs de fonds du Rwanda ne devraient pas rester silencieux. Ils devraient appeler à l’ouverture d’une enquête crédible et à l’affirmation sans équivoque, par le gouvernement, de sa détermination à rendre justice dans cette affaire cruciale », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique Centrale à Human Rights Watch.
Même son de cloche chez Amnesty International qui plaide pour une enquête indépendante afin de déterminer les vraies causes de la mort du célèbre chanteur. « Nous sommes choqués et profondément attristés d’apprendre le décès du chanteur populaire de gospel Kizito Mihigo. Les autorités rwandaises ont déclaré qu’il s’était suicidé. Elles doivent mener, sans délai, une enquête indépendante, impartiale et approfondie afin de déterminer la cause de sa mort y compris de déterminer s’il s’agit d’une mort naturelle ou accidentelle, ou d’un cas de suicide ou d’homicide », a déclaré Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe.
Une mort qui irrite des politiciens congolais
Au-delà du simple partage sur la toile de plusieurs opus du chanteur Kizito Mihigo par des internautes congolais, certains politiciens n’ont pas tardé à réagir sur la mort de ce jeune activiste. Deux députés congolais, Patrick Muyaya et André Claudel Lubaya, ont remis en cause la thèse du suicide. « Les mains ensanglantées du pouvoir réactionnaire de Kigali viennent d’étrangler, dans sa cellule, une voix discordante », peut-on lire sur le compte twitter du député André Claudel Lubaya.
En réaction, le ministre rwandais en charge de l’Afrique de l’Est, Olivier Nduhungirehe, les a invités à s’occuper de leur pays. « Sincèrement, que ces politiciens marginaux aient la décence de se taire et de s’occuper de leur pays. Le suicide malheureux d’un jeune Rwandais au Rwanda ne les concerne pas », a-t-il répondu sur son compte twitter.
« Ayant fait taire ses citoyens à coup de fusils et de baïonnette, le pouvoir rwandais se croit permis d’exporter et d’imposer sa méchanceté aux congolais, démocrates et panafricanistes, révoltés par la cruauté inouïe avec laquelle Kizito a été lâchement assassiné. Honte », a rebondi par le même canal le député André Claudel, après la réaction du ministre rwandais.
Né le 25 juillet 1981, Kizito Mihigo est un chanteur rwandais de gospel militant pour la paix et la réconciliation dans son pays. Rescapé du génocide des Tutsis, en 2015 il est condamné à dix ans de prison pour « conspiration contre le gouvernement ». Il bénéficie d’une grâce présidentielle, en 2018, avant d’être encore arrêté, le 13 février dernier. Il est retrouvé mort dans sa cellule; 4 jours plus tard.