Rwanda-France, réconciliation au forceps


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La visite d’Etat en France du Président Paul Kagame s’est déroulée dans un climat tendu, sur fond de malentendus durables sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé le génocide de 1994. Le Président rwandais et Nicolas Sarkozy partagent le même objectif : oublier ce passé qui divise.

Le plus fulgurant des génocides du vingtième siècle s’est déroulé en 1994 au Rwanda, faisant plus de 800 000 morts entre le 6 avril et le 4 juillet. Les deux thèses opposées des historiens, selon qu’ils prennent parti pour l’une ou l’autre des deux communautés en présence, n’ont toujours pas été rapprochées. La présence des soldats français de l’opération Turquoise sur le sol rwandais, leur incapacité à entraver le processus génocidaire, et les accusations de complicité ou de partialité qui furent portées sur eux par Paul Kagame lui-même sont encore dans toutes les mémoires.

Kagamé prêt à tout pour sortir de l’isolement

De ce passé encore récent les relations entre France et Rwanda ne cessent pas de se ressentir. Mais le temps change progressivement la face des cartes, et le régime installé par Paul Kagame, ouvertement pro-américain et anti-français à ses origines, est désormais fortement critiqué par la communauté internationale, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête, pour son caractère peu démocratique. Le moment semble donc venu pour Paul Kagame d’effacer l’ardoise et de renouer avec un pays dont les liens avec la France furent longtemps très étroits.

Echapper à l’histoire?

Le président rwandais a lui-même d’emblée annoncé la couleur, mettant sous le boisseau ses accusations, dimanche 11 septembre 2011, à Aubervilliers, où il rencontrait la communauté rwandaise en France, qui comporte, comme on peut le penser, une forte composante hutue… « Nous travaillons ensemble pour voir comment échapper à l’histoire, pour avancer… » Des mots qui venaient en écho à ceux que Nicolas Sarkozy avait prononcés lors de sa visite à Kigali en février 2010, parlant de « graves erreurs d’appréciation, une forme d’aveuglement ».

Tout va donc pour le mieux entre France et Rwanda? Le climat reste pourtant tendu dans la capitale française, où le Président du Sénat, Gérard Larcher, a refusé de recevoir au Palais du Luxembourg le président rwandais, tandis que le Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé choisissait pour sa part de bouder cette visite d’Etat au prétexte d’un voyage urgent en… Nouvelle-Zélande et en Australie : difficile de s’éloigner davantage de Paris ! Quant à l’ancien ministre socialiste Paul Quilès, qui présida la mision d’enquête parlementaire française sur le génocide rwandais, il s’offusquait de voir Kagame accueilli en France avec les honneurs, sans qu’il ait préalablement retiré le « rapport Mucyo, qui traite les soldats français de violeurs et d’assassins »… Ambiance.

Une relance de la coopération

La visite d’Etat de Paul Kagame aura au moins permis une relance de la coopération bilatérale entre les deux Etats. L’Agence française de développement (AFD) s’apprête à porter ses engagements au Rwanda de 23,7M€ actuellement à 42,2M€ en 2012.

Dans le secteur de l’énergie, la France accompagne d’ores et déjà le programme national d’accès à l’électricité au Rwanda. Le président français a par exemple exprimé la disponibilité de la France à contribuer au démarrage du programme rwandais de géothermie et aux études sur l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu.

Faire table rase pour construire

Le travail de mémoire du génocide est de part et d’autre difficile et il passe probablement par un double examen de conscience. A cet exercice politiquement et patriotiquement compliqué, Paul Kagame et Nicolas Sarkozy ne souhaitent visiblement pas se prêter, préférant reconstruire la relation franco-rwandaise sur des bases neuves. Du passé, faisons table rase… La politique est l’art « d’inventer l’avenir », certes, disait Thomas Sankara… mais est-ce vraiment possible sans référence à l’histoire ? Peut-on vraiment choisir d’ignorer ces pages tragiques « où notre siècle saigne »?

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