Le paysage scientifique béninois vient d’être enrichi d’un nouvel ouvrage paru en novembre aux Éditions L’Harmattan de Paris. Publié sous le titre Routes et développement économique et social au Dahomey/Bénin (1913-2011), l’ouvrage retrace l’histoire de la route au Bénin depuis la construction des premières routes carrossables jusqu’à l’année 2011 qui marque la fin de la mise en œuvre de la deuxième stratégie sectorielle des transports (2007-2011) intervenue sous le Renouveau démocratique dans le pays.
Faire l’histoire de la route au Bénin et montrer sa contribution au développement économique et social du pays tout en levant un coin de voile sur les conséquences majeures du choix “exclusif” de la route au détriment de tous les autres modes de transport, c’est bien cela le but de l’ouvrage de 354 pages publié par Serge Ouitona aux Éditions L’Harmattan, il y a tout juste quelques semaines.
Neuf chapitres qui racontent avec précision l’histoire de la route au Dahomey/Bénin et soulèvent des questions essentielles
L’ouvrage dont il est ici question est l’aboutissement de plusieurs années de recherches laborieuses menées par l’auteur sur la route et son impact socio-économique dans la colonie du Dahomey puis dans l’État indépendant du Bénin, durant les trois grandes séquences chronologiques de l’histoire économique et politique du pays. Ces recherches ont permis à l’auteur de soutenir brillamment sa thèse de doctorat aujourd’hui vulgarisée à travers la publication du présent ouvrage qui se présente en trois parties scindées en neuf chapitres.
La première partie est consacrée aux routes coloniales au Dahomey de 1913 à 1945. Dans le premier chapitre, l’auteur a fait l’état des lieux en présentant l’embryon de réseau routier qui existait au Dahomey en 1913. Sur cet embryon a été créé, depuis 1912, le service automobile dont le deuxième chapitre examine l’organisation et le fonctionnement, simultanément avec l’évolution jusqu’en 1945 du réseau qui n’a cessé de s’étoffer au fil du temps. Au cours de cette période, conformément à la loi de finances du 13 avril 1900, la métropole, tout en étant le principal bénéficiaire, n’a rien investi dans la construction de ces routes.
Le financement des infrastructures a été assuré par la colonie elle-même, à travers le Budget local, les fonds d’emprunt et la main-d’œuvre locale. Ces questions ont été abordées de fond en comble par le troisième chapitre avec lequel s’achève la première partie de l’étude. Dans une démarche à la fois logique et chronologique, la deuxième partie, s’inscrivant dans la suite de la première, étudie les routes dahoméennes de la mise en œuvre du FIDES (Fonds d’investissement et de développement économique et social des Territoires d’Outre-Mer) en 1946 à la fin du régime révolutionnaire du Président Mathieu Kérékou en 1990.
Dans le fond, le quatrième chapitre fait le point des investissements réalisés par le FIDES dans les routes et qui ont permis d’en bitumer pour la première fois certaines parmi les plus importantes. Ensuite, il analyse l’impact de ces investissements sur l’économie de la colonie, mais aussi, et surtout leurs retombées positives pour la métropole. Quant au chapitre 5, il s’intéresse à l’évolution et à l’importance du sous-secteur routier au cours des premières années qui ont suivi l’indépendance du Dahomey, soit la période allant de 1960 à 1972.
Le dernier chapitre de cette deuxième partie soit le chapitre 6 se consacre entièrement aux réalisations du régime du GMR-PRPB dans le domaine des routes, ainsi qu’à leur impact aux plans économique et social. Enfin, la dernière partie de l’étude, consacrée aux routes sous le Renouveau démocratique, couvre la période allant de 1990 à 2011. Le premier chapitre de cette partie, qui est le septième de l’ouvrage, se penche sur les réformes introduites dans le secteur des transports et particulièrement les transports routiers au lendemain de la conférence des forces vives de la nation de février 1990, ainsi que les différentes stratégies des politiques des transports mises en œuvre entre 1990 et 2011.
Le chapitre 8 met l’accent sur la part de la route dans le développement économique et social du Bénin au cours de la double décennie 1990-2011. Quant au chapitre 9, le dernier de ce travail, il consiste en une réflexion sur les revers de la route lorsqu’elle se retrouve en situation de monopole dans le transport des personnes et les biens, comme c’est le cas au Bénin.
Un ouvrage unique pour traiter d’une question d’actualité
Au-delà de la richesse des informations qu’il distille et de la profondeur des analyses de l’auteur, Routes et développement économique et social au Dahomey/Bénin (1913-2011) est un ouvrage pionnier. Puisque jusqu’ici, aucune étude d’envergure n’avait porté de façon spécifique sur l’histoire de la route au Bénin. Donc le travail réalisé par l’auteur, c’est-à-dire la reconstitution de l’histoire de la route au Dahomey/Bénin depuis l’époque coloniale jusqu’à l’ère du Renouveau démocratique, soit sur la longue durée, vient à combler un vide. En menant une telle étude, l’auteur a, sans aucun doute, fait œuvre utile et contribue ainsi à une meilleure connaissance de l’histoire des transports routiers au Bénin.
Ce, d’autant plus que cet ouvrage historique préfacé par le Professeur Sébastien Sotindjo traite d’une question d’actualité : la problématique du rôle des transports en général et des transports routiers en particulier dans le processus de développement économique et social des pays. Une vieille problématique, certes, mais qui garde toute sa fraîcheur au regard du caractère toujours actuel du débat. L’ouvrage se veut alors une invitation à une réflexion profonde pour une réorientation stratégique de la politique des transports au Bénin, et par ricochet, dans l’ensemble des pays du Sud qui, du reste, partagent des caractéristiques communes.
Dans un contexte où les pays du Nord ont compris l’importance du transport multimodal comme soutien à leur progrès économique et social, il est difficile de comprendre le règne monopolistique de la route dans beaucoup de pays du Sud où le transport ferroviaire est dans une grande léthargie, le transport fluvio-lagunaire insignifiant et le transport aérien demeure un luxe.
A propos de l’auteur
Titulaire d’un doctorat en Histoire obtenu à l’Université d’Abomey-Calavi, Serge OUITONA enseigne, depuis quelques années, dans cette même université. En dehors de l’Histoire économique et sociale qui est sa spécialité première, il n’est pas insensible aux questions du patrimoine, à l’Histoire politique ou encore à l’Histoire urbaine du continent africain. Il est, par ailleurs, journaliste au média panafricain Afrik.com, depuis quelques années.