La calèche est un des moyens de transport urbain les plus populaires à Rufisque (département de Dakar), au Sénégal. Peu cher et pratique, les carrioles posent pourtant des problèmes à la mairie qui aimerait bien voir leur nombre diminuer. La guerre des charrettes aura-t-elle lieu ?
Le bruit aigu des clochettes, mélangé au rythme sourd des sabots d’un cheval. Attention calèche ! A Rufisque, ce moyen de transport est très populaire. La mairie estime qu’il existe entre 200 et 300 de ces carrioles tractées par un cheval et qu’elles représentent environ 30% du transport urbain. Car ces calèches, héritées de l’époque coloniale, ne séduisent pas que les touristes. « Bien sûr, elles font partie du paysage et s’accordent avec les différents immeubles de style européen mais les Sénégalais les utilisent beaucoup », explique Babacar Dieng, qui travaille à l’Observatoire urbain de la mairie. Et pour cause. Une course en calèche vaut moins cher qu’une course en taxi. Vous débourserez entre 200 et 400 F CFA pour aller d’un quartier à un autre, alors que le taxi vous prendra au moins 500 F CFA. Si vous êtes trois dans la calèche (le nombre maximum de passagers), la somme descend à 50 F CFA, au lieu de 100 F CFA dans un taxi collectif.
La calèche offre aussi d’autres avantages : elle évite les bouchons, en se faufilant et en trouvant des raccourcis ou des routes parallèles, elle est découverte et n’est jamais surpeuplée comme c’est le cas pour les mini-bus. Les femmes apprécient de pouvoir y monter en revenant du marché, les paniers débordant de fruits, de légumes et de poisson frais, ce que n’acceptent pas toujours les chauffeurs de taxi.
Calèches contre « clando »
La Mairie, pourtant, aimerait bien voir leur nombre diminuer. Beaucoup d’accidents impliquent des conducteurs de calèches, qui prennent souvent des libertés avec le code de la route et roulent plus vite qu’ils ne devraient, mettant en danger la vie des piétons. « Elles posent de gros problèmes de mobilité urbaine, elles n’ont pas de zones réservées et se créent des chemins en dehors des axes de circulation, ce qui met la pagaille. Et puis, elles encombrent les quartiers car il n’existe pas de parking pour les charrettes. Leurs propriétaires les garent n’importe où, allant jusqu’à squatter des maisons vides ou pas encore habitées. Les chevaux non plus n’ont pas d’endroit adaptés. Rufisque tend à devenir une ville moderne. Je pense qu’il faudrait réduire le nombre des calèches tout en préservant la culture du temps colonial. L’idéal serait de développer les taxis urbains et de garder les calèches pour les festivals et le tourisme », explique Babacar Dieng.
La ville ira-t-elle jusqu’à interdire les calèches, comme c’est le cas dans le centre-ville de Dakar ? Ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Et les charrettes ont déjà du soucis à se faire avec leurs principaux concurrents : les « taxis clando ». Car à Rufisque, il n’y a pas de taxis officiels. L’importation croissante des voitures d’occasion en provenance de l’Europe a accru le nombre de clandos dans la ville. Pour autant, il est toujours plus facile et plus abordable d’acquérir une calèche qu’un taxi !
Passionnés de la calèche
Et puis, il existe « des passionnés de la calèche », explique Babacar Dieng. Qui défendent ce moyen de transport original et non polluant. En octobre dernier, s’est même créée L’Association rufisquoise pour la protection des animaux (Arpa) qui souhaite, selon son communiqué, « protéger les chevaux de la ville de Rufisque et assister les propriétaires de chevaux sur le plan sanitaire et alimentaire ». Mais aussi « faciliter la collaboration entre les propriétaires et les autorités de la ville », « créer une mutuelle de santé pour les conducteurs de calèches et les former au code de la route ». Ce qui ne serait pas du luxe.