Il semble ne plus vouloir quitter les écrans français. Roschdy Zem, la quarantaine florissante, est à l’affiche de pas moins de trois films cette année. Amoureux transi dans La Fille de Monaco, il joue les policiers infiltrés dans Go Fast d’Olivier Van Hoofstadt, qui sort ce mercredi, avant de se retrouver dans la peau d’un citoyen qui se défend face à La Très très grande entreprise. Entretien avec le prolifique et discret Don Roschdy Zem.
Né le 27 septembre 1965 à Gennevilliers, en région parisienne, de parents marocains, Roschdy Zem passe son enfance à Drancy. Il quitte l’école en Terminale et manque de s’engager dans l’armée parce qu’il souhaite rentrer sans tarder dans la vie active. Il ne deviendra pas soldat mais marchand de jeans sur les marchés. L’expérience dure pendant une quinzaine d’années et est entrecoupée de cours de théâtre, qu’il collectionne pour éviter de les payer, et de castings. Il commence à faire des silhouettes, puis des figurations. L’acteur obtient son premier petit rôle en 1991 dans J’embrasse pas d’André Téchiné.
Sa carrière démarrera véritablement avec son interprétation d’un toxicomane dans N’oublie pas que tu vas mourir (1995) de Xavier Beauvois. Depuis, sa carrière cinématographique ne cesse de s’etoffer de beaux rôles qu’il effleure avec une grâce discrète. Après La Fille de Monaco, cet été, et avant La Très très grande entreprise, Roschdy Zem est à l’affiche du dernier film d’Olivier Van Hoofstadt, Go Fast. Il interprète Marek, un policier français infiltré dans un réseau de trafiquants de cannabis. Pour les arrêter, il devient un « Go Fast », l’un des conducteurs de ces bolides qui transportent la drogue de l’Espagne vers la France.
Afrik.com : Comment avez-vous été contacté pour interpréter Marek, le policier infiltré de Go Fast ?
Roschdy Zem : Par téléphone (sourire). Emmanuel Prevost, qui est l’un des producteurs du film, est venu me voir il y a deux ans avec le projet qui n’était pas totalement abouti. Je partais en vacances. J’ai donc pris le scénario avec moi et je l’ai lu un jour où je m’ennuyais un peu. Je l’ai parcouru d’une traite et j’ai rappelé Emmanuel Prévost tout de suite. Il y avait beaucoup d’éléments du projet qui me plaisaient.
Afrik.com : En préparant ce rôle, vous vous êtes inspiré des grands flics du cinéma français, notamment ceux qu’a incarnés Yves Montand. Vous êtes allé vous préparer au même endroit que lui. Vous pensez qu’on manque désormais de beaux rôles de flics en France aujourd’hui ?
Roschdy Zem : Le cinéma français ne fait plus la part belle aux héros. On a beaucoup de flics alcooliques, maniaco-dépressifs, qui vivent malgré tout dans un loft de 400 m². L’autre option : c’est le flic de la télévision française qui est toujours commissaire à 74 ans. Je voulais qu’on fasse de Marek un vrai héros. Nous voulions renouer avec le flic d’antan, loyal et droit.
Afrik.com : Comment êtes-vous rentré dans la peau de ce flic que vous rendez très crédible à l’écran, même si les rebondissements qui émaillent le film ne le sont pas toujours ?
Roschdy Zem : Je suis arrivé très « chargé » sur ce film. J’avais passé trois mois à m’entraîner avec les policiers du RAID (une unité d’élite de la Police nationale française, ndlr). Mon personnage m’emplissait déjà quand je suis arrivé sur le tournage. Il n’était pas question que j’en rajoute. Je préfère la sobriété quand il s’agit d’interprétation.
Afrik.com : Ce n’est pas la première fois que vous incarnez un flic. Vous l’étiez déjà dans Le Petit lieutenant avec Nathalie Baye. Quelle est la différence entre ces deux policiers ?
Roschdy Zem : Dans Le Petit lieutenant, on est dans le milieu de la police judiciaire. Ils font des enquêtes dans un environnement où leurs moyens sont limités. C’est de ça que parle aussi Go Fast, de l’environnement de travail des policiers, de leurs états d’âme… Dans Go Fast, il est plutôt question d’une police qui permet d’assurer la paix et la sécurité des gens dans un environnement où tout est mondialisé, y compris le grand banditisme. En France, il y a un service d’agents infiltrés depuis 2003 grâce à la loi Perben II qui préserve leur anonymat. Cette police a d’autres moyens et d’autres techniques. C’est une police de haut vol. Les univers policiers évoqués dans ces deux films sont totalement différents.
Afrik.com : 2006 a été une année importante pour vous. Il y a notamment la Palme d’Or du meilleur acteur décernée à l’ensemble du casting masculin d’Indigènes de Rachid Bouchareb. Qu’a-t-elle a changé dans votre vie d’acteur français d’origine maghrébine ?
Roschdy Zem : Je ne sais pas… Peut-être que ça m’a donné accès à des films comme Go Fast. Peut-être que de m’offrir un rôle principal dans un film d’action est aujourd’hui moins risqué pour les producteurs…Il faut le leur demander. Ce qui est certain, c’est que l’éventail des projets, mais surtout des genres, est désormais plus large.
Afrik.com : C’est aussi cette année-là que vous vous êtes lancé dans la réalisation avec Mauvaise foi. Un film très personnel qui évoque ces a priori qui enveniment les relations entre juifs et arabes. La réalisation, c’était le seul moyen de parler de ce sujet qui vous tient à cœur ?
Roschdy Zem : J’avais surtout envie d’écrire cette histoire. Puis en l’écrivant est venue le désir de réaliser le film. Ca s’est fait naturellement. Le conflit israélo-palestinien est un fléau qui a comme effet collatéral de créer des tensions intercommunautaires en Europe. C’est ce dont j’essaie de parler dans Mauvaise foi. Le fond et la forme doivent aller de pair au cinéma. Le cinéma, c’est aussi du divertissement. Parfois, le sujet est très intéressant mais le film ne l’est pas.
Afrik.com : On reproche au cinéma français de ne pas utiliser ces acteurs issus des minorités dite « visibles ». Mais finalement les Maghrébins s’en sortent mieux que les Noirs ?
Roschdy Zem : C’est sans commune mesure. Pour nous, c’est difficile. Mais pour les Noirs, c’est carrément honteux. Je fais partie d’un groupe issu de l’immigration nord-africaine dont on a parlé à travers Indigènes. Mais c’est quoi ? C’est quatre personnes : c’est rien ! Aujourd’hui, si on veut monter un film avec un personnage important de couleur noire, il n’y a aucun nom qui puisse être avancé. Le cinéma doit refléter la société dont il émane.
Afrik.com : Pas de rôle important, mais on va les chercher quand il s’agit de faire écho à des clichés. Vous avez dit : « je ne jouerai pas un arabe terroriste ». C’est ce que les Américains vous proposaient. Vous fuyez les rôles-clichés comme la peste ?
Roschdy Zem : Oui, surtout quand on essaye de développer une carrière en France au fil des rôles qui vous sont confiés. Nos choix en la matière ne sont jamais innocents. On ne peut pas tout détruire pour un personnage – un terroriste arabe- dans un film américain, aussi prestigieux et attirant que soit Hollywood.
Afrik.com : Le cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch a créé une structure de promotion du cinéma marocain. Quels sont vos rapports avec votre pays d’origine ?
Roschdy Zem : Le Maroc, c’est un retour au ressources, c’est ce qu’a été mon expérience avec le film Tenja (2004) de Hassan Legzouli. J’ai toujours connu le Maroc à travers mes parents, leur nostalgie, autrement je n’y ai pas d’attaches particulières. Ce qui me manque malgré tout, ce sont des lieux de rencontres entre des réalisateurs, pas Marocains seulement, mais de tous les pays en voie de développement, et nous acteurs français, qui puissent permettre de développer des projets ensemble. Ça me plairait beaucoup. Je pensais qu’avec le Festival de Marrakech, on tendrait vers une telle démarche. Malheureusement, il est encore très paillettes.
Afrik.com : Vous connaissez le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui se tient au Burkina Faso tous les deux ans ? Je pense que là vous pourrez trouver satisfaction…
Roschdy Zem : Non. On ne m’y a jamais invité. Je serai heureux d’aller à Ouagadougou…
Afrik.com : Quels sont vos projets, vos envies ? Vous travaillez sur l’affaire du jardinier Omar Raddad…
Roschdy Zem : L’envie d’avoir envie (il imite Johnny Halliday). En tant qu’acteur, mes projets sont en standby. Je me penche en ce moment sur l’écriture. J’ai deux ou trois projets en développement dont un effectivement sur Omar Raddad et un autre plus intime, une histoire d’amour entre deux personnes issues de générations différentes.
Afrik.com : Vous avez un faible pour les histoires d’amour. On ne s’imagine pas, peut-être à tort, mais vous êtes finalement très fleur bleue ?
Roschdy Zem : Oui, je suis très fleur bleue…
Afrik.com : Est-ce que vous vous percevez comme un modèle ou sentez-vous que l’on attend que vous en soyez un ?
Roschdy Zem : Je pense qu’on ne peut pas prendre en modèle un acteur. Nos carrières peuvent être aléatoires et éphémères. Il suffit que je fasse de mauvais choix et le modèle est remis en question. Je préfère prendre en modèle la réussite des gens issus de l’immigration qui ont fait des études. Leur mérite me semble plus lié à leurs efforts personnels et moins à la chance qui joue un rôle important dans nos métiers.
Afrik.com : En vous regardant dans la peau de ce flic, on pense à Sami Naceri, d’autant plus que son frère Bibi a participé à l’écriture du film ? Comment va Sami Naceri ?
Roschdy Zem : Sami va beaucoup mieux.
Afrik.com : Est-ce que vous vous sentez aussi fragile et cette fragilité tient-elle à la vie d’artiste ?
Roschdy Zem : J’ai avant tout une fragilité d’homme ordinaire. Par rapport à mon métier, j’ai bâti autour de moi une tour, ma famille et mes amis, pour me protéger. Ma vie ne tourne pas autour de ma profession, elle est cloisonnée. Etre acteur, c’est un métier comme un autre. Quand c’est fini, c’est fini ! Vous êtes journaliste, à la fin de votre journée quand vous avez terminé votre travail, vous passez à autre chose. Moi, c’est pareil ! Quand on fait un film, il est impératif d’en sortir quand il est terminé. Je ne me laisse pas marquer par mes expériences cinématographiques. J’ai d’autres centres d’intérêts, mes enfants, ma famille, mes activités sportives – natation, golfe -, le poker, l’écriture…
Afrik.com : Vous venez de parler de l’importance que vous accordez à votre famille. Vous avez perdu votre papa il y a quelques années. Votre grand regret est qu’il ne vous ait pas vu vous accomplir professionnellement…
Roschdy Zem : Mon père est le premier parent proche que j’ai perdu. Au-delà du fait qu’il ne m’ait pas vu m’épanouir dans mon métier, j’ai surtout réalisé que quand on aime les gens, il faut le leur dire tout de suite.