Robert Brazza est invariablement l’une des stars incontestées du paysage radiophonique africain. L’animateur d’Africa N°1 entamera cette année sa cinquième saison à la tête d’Africa Song, son émission musicale quotidienne. Qui se cache derrière cette voix ? Quelle est sa vision de la profession ? Comment vit-il sa notoriété ? Quelles sont ses ambitions ? Afrik l’a rencontré pour vous.
Une voix, une radio, un nom : Robert Brazza. L’Animateur vedette d’Africa N°1 est sans conteste l’un des grands du paysage audiovisuel africain. Tout le monde ou presque en Afrique francophone et ailleurs connaît son émission musicale quotidienne, Africa Song. Mais beaucoup moins connaissent l’homme. Grand, charismatique et discret : qui est Robert Brazza ? Celui qui a déjà reçu en plateau tous les grands de la musique du continent ne néglige pas les petits et les anonymes. Car il défend des valeurs et estime avoir la mission d’être la vitrine et le porte-voix culturel d’un continent sous-estimé.
Afrik : Quel est votre parcours professionnel ?
Robert Brazza : En ce qui concerne la radio, ce sont des radios périphériques en province entre Nantes et la région Loire atlantique et quelques expériences avec des structures de production indépendantes en voix pub. C’est une dizaine d’années, dont quatre ans dans le créneau associatif et trois années à revenir dans l’audiovisuel, que je n’ai jamais vraiment quitté, avec les voix pub, les documentaires animaliers, les commentaires sur films et Africa N°1 en quotidienne depuis quatre saisons.
Afrik : Où avez-vous grandi ?
Robert Brazza :Je suis né à Brazzaville. Mon père travaillait au ministère du Plan dans le domaine de l’agriculture. Il voyageait beaucoup. Donc je faisais beaucoup de va-et-vient entre l’Afrique et l’Europe. Mais je suis venu faire ma scolarité secondaire en France où j’ai décroché un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) en techniques de commercialisation, une fac de langues étrangères. Et toujours des piges dans les journaux et les magazines à côté.
Afrik : Quels ont été vos débuts derrière un micro?
Robert Brazza : C’était au Congo. Il se trouve qu’il y a le père d’un ami, Sébastien Kamba (le premier cinéaste congolais, ndlr), qui nous a pris au pied de la lettre. Il est venu nous voir en nous disant : « Vous êtes là dans la chambre, tenez, voilà un texte, enregistrez-vous. Celui qui a une voix qui passe fera des commentaires sur images ». C’est tombé sur moi. Je l’ai retrouvé le lendemain aux studios de la télévision congolaise pour enregistrer une voix pour un documentaire animalier. C’est comme ça que c’est parti.
Afrik : Et en ce qui concerne la musique ?
Robert Brazza : Je suis un passionné, c’est dans la famille. Après tu te demandes ce que tu vas en faire. Tu ne te lèves pas un matin en te disant « Tiens, je vais faire de la radio ». Quand je suis arrivé en France, en province, j’ai commencé à faire des émissions de radio, dans le créneau associatif. Les émissions étaient hebdomadaires. J’avais donc des activités à côté. Et d’hebdomadaire je suis passé en quotidienne. Et puis ça prend de plus en plus de temps et c’est là qu’on en fait un métier principal.
Afrik : Comment s’est faite l’arrivée à Africa N°1 ?
Robert Brazza : L’arrivée à Africa N°1 s’est faite par un remplacement. Je faisais déjà des voix pub pour Africa N°1. L’animatrice d’Africa Song était enceinte. On m’a appelé pour me dire qu’elle quittait l’antenne un petit peu avant la date prévue et qu’il lui fallait un remplaçant au pied levé. Du pied levé, je suis passé à un mois, deux mois et ça continue depuis.
Afrik : Vous avez gardé le même nom d’émission, mais avez-vous développé un concept particulier ?
Robert Brazza : J’avais un concept en tête qui était, et qui est toujours, de faire parler les artistes. Pas simplement de faire du pousse-disques en mettant de la musique. J’ai respecté le nom de l’émission, Africa Song, mais j’ai essayé de faire en sorte que les plateaux des émissions soient placés sous le signe du portrait. Que ça ne soit pas qu’un zoom sur l’actualité d’un simple album. Mais qu’on essaye de cerner exactement l’environnement de l’artiste, son parcours. Et que les artistes puissent parler aux auditeurs. D’où le côté interactif des émissions. Car j’estime qu’on ne connaît pas assez les artistes. Si aujourd’hui cela semble banal, il fut un temps où on ne les entendait pas souvent s’exprimer.
Afrik : En tant qu’homme de média célèbre, estimez-vous avoir des devoirs à l’antenne ?
Robert Brazza : J’ai une responsabilité par rapport aux auditeurs et par rapport aux artistes. En plateau, je prends l’engagement de mettre en avant un artiste et si je ne le fais pas bien, cela peut avoir des conséquences désastreuses pour lui. Pas seulement sur le plan matériel, la vente d’albums, mais aussi parce qu’Africa N°1 est un miroir de l’Afrique. C’est un œil qui se pose sur un personnage qui parle du continent. Et ce qu’il en dit est ce que l’auditeur retient.
Afrik : Vous êtes un des animateurs les plus célèbres du paysage audiovisuel africain. Comment faites-vous pour gérer la notoriété ?
Robert Brazza : On gère la notoriété par rapport à son propre quotidien. Si on se lève le matin en se disant « il y a 30 millions de personnes qui m’adorent ou qui m’idolâtrent » : on n’a rien compris au film. Les gens ont des attentes par rapport à une radio. Cet outil, c’est à travers nous qu’ils le ressentent. Si nous commençons à croire que nous sommes définitivement irremplaçables, rien ne va plus parce que on perdra le centre d’intérêt de notre métier. Je le vis très bien car je reste très proche des gens. Je suis habitué à rencontrer des gens de manière directe. J’ai énormément fait de choses dans la sphère associative. Et quand on a grandi sur ce terrain-là on garde ce réflexe de sortir des hôtels où nous sommes invités dans le cadre de festivals en Afrique et ailleurs et d’aller voir les gens. Je vis mon statut comme un privilège, car ce ne sont pas tous les journalistes ou les animateurs qui ont cette chance. Mais je n’en fais pas un acquis : c’est quelque chose qui se gagne chaque jour.
Afrik : Vous travaillez également dans le monde de l’image. Pensez-vous développer cette activité ?
Robert Brazza : Je réalise des reportages à destination des télés africaines. Je travaille avec une équipe technique de télé qui a la responsabilité d’aller couvrir certains événements pour un confrère africain. Que ce soit en Côte d’Ivoire, au Burkina ou au Cameroun. C’est une activité que je souhaite maintenir. J’emboîterai le pas quand un producteur ou une structure me garantira non seulement une certaine liberté mais pas une liberté virtuelle. C’est-à-dire une émission qui ait une vocation de découverte et pas seulement se faire l’écho des devants de scène. Je passerai le cap, tout en gardant la radio car elle me permet d’être en prise directe avec le public.
Afrik : Vous êtes au cœur du monde de la musique africaine. Avez-vous déjà eu l’idée de développer votre propre boîte de production ?
Robert Brazza : Je travaille avec différentes structures de production. La mienne n’est pas montée sur le papier, c’est-à-dire en tant qu’entreprise, mais elle existe déjà par rapport aux personnes avec lesquelles je travaille. Je travaille à la manière d’un consultant. Parce que je voulais vraiment me focaliser sur ce que je faisais à Africa N°1. C’est un chantier que je m’étais donné au départ. Il fallait asseoir l’émission, lui donner un rythme et cela prend du temps. La cinquième saison venant je verrai de quelle manière cumuler les différentes activités et comment développer quelque chose de plus concret.
Afrik : Quel regard jetez-vous sur la musique africaine ?
Robert Brazza : La musique africaine n’est pas encore régie et réglementée comme les musiques dites occidentales. Nous n’avons pas encore de major, de maison de disques qui sur le long terme peuvent se targuer d’avoir tenu le coup face aux aléas du marché. Nous voulons que cette musique africaine se renforce à travers les métiers qui gravitent autour d’elles. Ceux du management, de production, de réalisateurs de clips, d’arrangeurs. La musique africaine est forte car la diaspora africaine a compris qu’il était temps d’avoir cette musique africaine comme passeport et parce que les gens ont appris à en être fier et à ne plus se cacher derrière des musiques dites World.
Afrik : C’est vrai qu’elle a connu de beaux succès ces derniers temps en France et ailleurs…
Robert Brazza : Je ne me contente pas du « coup » Magic System, je ne me contente pas du « coup » Dis l’heure 2 Zouk, je ne me contente pas du « coup » d’un Lokua Kanza ou du « coup » d’un Bona. Je voudrais exprimer ici un ras-le-bol par rapport aux chefs de produits de certaines maisons de disques qui ont le culot et l’arrogance de juger que tel artiste africain leur appartient à tel point qu’ils n’envoient pas son œuvre à une radio comme Africa N°1. C’est absolument irresponsable de la part d’un label aussi puissant qu’Universal Music ou de tant d’autres de ne pas envoyer un album à une radio qui représente 35 millions d’auditeurs. Je ne trouve pas normal d’avoir à demander un Salif Keita, d’avoir à demander un Richard Bona etc. Cela montre le mépris de certains chefs de produits qui travaillent au sein de ces maisons de disques et combien l’Afrique n’existe pas. Mais ça correspond à un certain état d’esprit francophone. Et pas seulement par rapport à la musique. Il faut nettoyer les mentalités.
Afrik : Quelles sont aujourd’hui vos ambitions professionnelles ?
Robert Brazza : Mes ambitions, en tant qu’homme de média, sont de contribuer à faire que nos musiques soient complètement « habituelles » dans les oreilles d’un Européen et d’un Français pour commencer. Qu’elles ne soient pas une exception. Mes ambitions seraient également de passer au stade de la production. Je n’ai pas encore produit d’artistes parce que je ne me contente pas du lancement d’un artiste et de l’arrivée de son disque dans les bacs. Produire un artiste est un long processus qui demande d’être en phase avec lui. Et qu’on l’emmène jusqu’au stade final : c’est-à-dire la scène. J’aimerais également continuer dans le domaine de l’animation. Une activité qui trouvera un prolongement dans la formation. Je suis parrain de différentes radios locales en Afrique, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin. C’est un rôle qui me tient à cœur. Et si je peux créer une structure qui peut former aux métiers de la radio, j’aurais fait ce qui est vraiment le plus important. J’aurais donné une chance à ceux qui veulent embrasser la profession.
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Africa Song, tous les jours à 19h10 (GMT)