Plus d’un million d’Ivoiriens ont quitté Abidjan pour échapper aux affrontements meurtriers de la capitale. La situation humanitaire se dégrade et l’économie du pays s’effondre. Un projet de résolution de l’ONU vient rompre l’oubli de la communauté internationale.
« Abidjan est au bord de la guerre civile », a estimé vendredi l’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud. Si tant est qu’elle n’ait déjà commencé – 462 morts ont été répertoriés depuis le début du conflit électoral – la crise politique qui oppose Laurent Gbagbo au président élu Alassane Ouattara pourrait dégénérer encore davantage dès demain. Charles Blé Goudé, le leader des jeunes patriotes et ministre de la Jeunesse du gouvernement Gbagbo a invité les partisans de l’ancien président à se rassembler samedi 26 mars sur le plateau d’Abidjan pour « mettre un terme à ce débat sur la majorité de Laurent Gbagbo ».
Blé Goudé appelle à un "soulèvement populaire"… par afriktv
« Blé la Machette », comme il est parfois surnommé avait déjà fait l’objet de sanctions de l’ONU en 2006 pour incitation à la haine et actes de violences. Plus récemment, il a appelé les jeunes Ivoiriens à s’enrôler dans l’armée pour « libérer la Côte d’Ivoire de ces bandits ».
Un million de déplacés
La population est la première victime de l’embourbement de la situation. Le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU (UNHCR) évalue à plus d’un million le nombre d’Ivoiriens fuyant les affrontements. « Les déplacements massifs de population, à Abidjan et ailleurs, sont nourris par la peur d’une guerre totale », a déclaré à Genève la porte-parole du HCR Melissa Flemming.
Par effet boule de neige, les conséquences du conflit électoral se multiplient. L’accès aux soins est « menacé » selon l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF). 90 % du personnel médical qualifié de la capitale aurait eux aussi quitté leur emploi pour se rendre dans des zones plus sûres. L’hôpital d’Abobo-Sud serait le seul encore ouvert à Abidjan. « A ce problème s’ajoute une pénurie de médicaments », souligne MSF dans un communiqué. 32 ONG internationales et africaines ont signé conjointement un appel à une action urgente de la communauté internationale, dont Human Rights Watch, la Fédération internationale des ligues des Droits de l’Homme ou encore l’Open Society Institute for West Africa. Ils demandent à ce que « les auteurs de violations graves des droits humains soient tenus pour responsables de leurs crimes », estimant que cela pourrait « décourager d’autres atrocités ultérieures ».
Marasme économique
A la crise politique et humanitaire s’ajoute le chaos économique. Les banques et les entreprises sont dans l’incapacité de fonctionner normalement à Abidjan, en raison des fortes migrations, des sanctions internationales et des embargos. Le chômage continue d’augmenter, tout comme le prix des denrées alimentaires. Seules les gares routières tournent à plein régime. « Elles sont prises d’assaut par des gens cherchant à fuir pour des zones sûres, dans le nord, l’est ou le sud », a indiqué Melissa Flemming, du Haut Commissariat aux réfugiés.
Réveil diplomatique
Offensive de la coalition en Libye, séisme au Japon, soulèvement populaire en Syrie … Une actualité en remplaçant une autre, le conflit ivoirien était sorti des écrans ces dernières semaines. La France et le Nigeria ont déposé conjointement vendredi un projet de résolution auprès du Conseil de sécurité de Nations-Unis. Il prévoit l’interdiction de l’usage des armes lourdes à Abidjan ainsi que des sanctions supplémentaires contre Laurent Gbagbo. Le texte appelle à l’arrêt des violences en Côte d’Ivoire et exige que Laurent Gbagbo reconnaisse la victoire de Ouattara.