Boubacar Boris Diop fait exploser le verbe. Ce jaillissement de sens s’appelle Le Temps de Tamango. Entre politique-fiction et folie romantique, un roman inclassable. Enfin.
Création littéraire : Boubacar Boris Diop redonne sens à ce terme. Pas question, pour l’écrivain, de se placer en réaction ou en relation avec la littérature française ou avec la tradition africaine. Créer, au vrai sens du terme : innover. Avec Le Temps de Tamango, l’auteur invente une écriture personnelle, politique et intimiste. Hors cadre, il refonde le monde, son monde : le Sénégal. Comment l’indépendance est née ou aurait pu naître. Une oeuvre de politique-fiction à rebours se dessine, avec ses héros, ses bourreaux, ses amours rêvées et ses rêves impossibles.
Déstabilisation littéraire
Un narrateur nous fait part de ses recherches imaginaires sur l’histoire cachée d’une révolution. Trois chapitres, semblant d’ordre dans une oeuvre segmentée, hachée. Vision d’une réunion de crise dans les salons de la présidence, entrevue fugitive des dernières pensées d’un homme qui meurt sous les balles de la police en pleine manifestation, témoignages croisés sur une société secrète… anarchisme, rébellion, folie… Par fragments, et autour de la vie d’un homme dont, selon le mystérieux narrateur, on aurait peu de traces, le lecteur se laisse emmener dans une épopée romantique, hallucinée.
Il n’y a pas de genre pour classer ce roman. Evoquer Borgès, Philipp K. Dick ou même Jorge Semprun ne ferait qu’ajouter à la confusion. Le lecteur, ballotté sans cesse entre le romanesque et l’ironie, n’aura rien à quoi se raccrocher. Et lorsqu’il croira tenir un bout d’histoire, un fil romanesque, une voix lui rappellera sans cesse les règles du jeu littéraire et brisera l’illusion. Non, le narrateur ne lui dira pas tout… Quel narrateur d’ailleurs ? Quel auteur ? Quel lecteur ? » Ayant refermé le livre, le lecteur africain cèdera aussitôt, quasi certainement, à la tentation de le rouvrir, première victoire de l’auteur « , écrit Mongo Beti dans sa préface.
Commander le livre : Le Temps de Tamango, réédité par les éditions du Serpent à plumes dans la (très belle) collection Motifs, Paris, 1981.