Révision de la Constitution au Bénin : Patrice Talon clarifie une nouvelle fois sa position


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Le Président du Bénin, Patrice Talon
Le Président du Bénin, Patrice Talon

Contrairement à son habitude du début de son premier mandat caractérisé par une normo-communication où le Président béninois, Patrice Talon, s’adressait très rarement à la presse, c’est un autre homme que les Béninois sont en train de découvrir en cette fin du second et dernier mandat. Un Président plus porté à communiquer, un Président qui répond à l’invitation des hommes de média, comme il l’a fait ce jeudi. Recevant un parterre de journalistes au Palais de la Marina, le Président béninois s’est prêté à un jeu de questions-réponses qui lui a permis de livrer le fond de sa pensée sur des questions brûlantes relevant non seulement de l’actualité nationale, mais également de l’actualité hors des frontières béninoises. Une véritable discussion à bâtons rompus dont Afrik.com vous livre ici la quintessence (première partie).

Comme on pouvait s’y attendre en une telle occasion, la question de la révision de la Constitution qui agite avec force l’opinion, depuis quelques jours, a été la première adressée à Patrice Talon. Pendant presque 30 minutes, le Président bénin a disserté sur cette seule question. Tant il lui tenait à cœur de rassurer ses compatriotes sur ses intentions par rapport à 2026.

 « Nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats »

Répondant à la question de l’un des confrères présents à la conférence de presse sur la révision de la Constitution et ses intentions réelles par rapport à 2026, Patrice Talon a déployé toute une pédagogie pour objectiver sa pensée. « C’est vrai, j’ai pu noter avec vous, depuis un moment, bien avant que le député BR (Bloc républicain, ndlr) ne soumette sa proposition de loi constitutionnelle… J’ai entendu comme tout le monde que depuis quelque temps, on confond notre réalité au Bénin avec celle de l’Afrique ou de la sous-région qui donne le sentiment qu’à la fin des deuxièmes mandats qui sont prescrits comme derniers mandats des Présidents en exercice, les concernés tentent de briguer un troisième mandat avec divers prétextes », a commencé le Président béninois.

Avant de poursuivre : « Et cela a tellement traumatisé les peuples africains que désormais, on soupçonne tout le monde, à la fin du deuxième mandat, de chercher les voies et moyens pour contourner les dispositions constitutionnelles que pourtant tout le monde accepte. On les consigne dans les Constitutions et puis, à la fin, on trouve les moyens de chercher un troisième, un quatrième mandat. Mais moi, j’ai quand même espéré que cette question est derrière nous depuis un temps ». Patrice Talon a insisté sur la phrase « Nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats » inscrite dans la Constitution révisée de 2019 pour dire que cette disposition règle tous les problèmes. Puisqu’elle dit clairement qu’aucun vivant ne peut exercer plus de deux mandats au Bénin. Qu’il s’agisse d’une nouvelle République ou pas, cette phrase inscrite dans la Constitution règle le problème.

« Tant que cette phrase demeure dans la Constitution, il n’y a pas de raison qu’on me soupçonne de vouloir faire comme tout le monde, comme cela se passe ailleurs. D’autant plus que c’est moi qui ai pris l’initiative, il y a quelque temps », tranche le chef de l’État qui rappelle par ailleurs que personne ne peut toucher à cette phrase. Mieux, il insiste pour dire aux députés de l’opposition que même s’il devait y avoir révision de la Constitution, cette importante disposition ne pourrait être sautée sans leur accord. Donc pour lui, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

« Moi, je ne veux aucune révision de la Constitution »

Continuant son développement, Patrice Talon affirme : « Moi, je ne veux aucune révision de la Constitution ». Pour régler le problème de date dans le Code électoral soulevé par un citoyen et validé par la Cour constitutionnelle, le Président béninois est même prêt à écourter son mandat de deux et même trois mois pour que la prochaine Présidentielle soit organisée plus tôt que le 12 avril 2026 initialement prévu. Car, dit-il, « ce que je n’ai pas fait en dix ans, ce n’est pas en deux ou trois mois que je le ferai ».

Et de prendre les hommes des médias à témoin : « Soyez mes témoins que moi, je ne veux pas qu’on touche à une virgule de la Constitution. Et je l’ai dit déjà aux députés qui se réclament de mon bord, aux maires qui se réclament de mon bord (…) Je leur ai dit : “Touchez pas à la Constitution. Certes, je ne peux pas vous instruire. Vous êtes députés, la nation vous a confié cette mission-là, vous pouvez même désobéir au parti, parce que le mandat n’est pas impératif. Vous agissez au Parlement en votre âme et conscience. Mais, je vous recommande de ne pas le faire”. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire demain. Mais, moi à partir d’aujourd’hui, je le dis devant vous, je ne veux plus me mêler de ça. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent ».

Il revient alors aux journalistes d’aller diffuser autant que faire se peut la bonne nouvelle. Eux que le Président Patrice Talon n’a pas manqué de titiller dans son intervention pour leur « timidité ».

Patrice Talon fustige la timidité des médias au Bénin

Se réclamant démocrate, Patrice Talon n’a pas manqué de dénoncer l’absence de débats d’idées suscités par la presse sur ces questions cruciales. Il a renvoyé la balle à son auditoire constitué uniquement d’hommes de médias. « Moi, je suis dans un environnement où parfois je suis un peu frustré par la timidité des médias. Dans d’autres pays, c’est vous qui, pendant les débats, devez mettre le doigt sur ce qui ne va pas, ce qui est contraire à l’intérêt général, ce qui est contraire à votre opinion. Chacun d’entre vous est électeur. Et vous trouvez que ce serait normal qu’ayant retiré la confiance à un député ou à un maire, il continue de parler en votre nom pour des actes politiques pour les temps qui arrivent ? », interroge-t-il.

Et d’ajouter : « Je ne vois pas du tout le débat se faire. J’entends les coqs chanter leurs cocoricos à leur façon, et vous enfourchez même ce qu’ils disent, vous répétez cela. Alors que vous devez susciter le débat, vous qui devez éclairer l’opinion, le peuple sur ces genres de débats. Moi, je me réjouis de ce que vous me posiez cette question ce matin, pour vous dire : est-ce que cette question, ça concerne Patrice Talon ou bien ceux qui font le débat ? »

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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