Une importante fuite de documents confidentiels américains apporte de nouvelles informations sur la présence du groupe Wagner en Afrique. Il apparait que les États-Unis étaient au courant des opérations russes de déstabilisation de la France dans plusieurs pays africains. Cette révélation vient compléter les enquêtes sur l’influence médiatique de la Russie.
C’est une masse énorme de documents qui a fuité sur Internet, en ce début avril. Si la majorité des éléments concernent la guerre en Ukraine, ils apportent aussi un nouveau regard sur la présence russe en Afrique. C’est le média américain The Washington Post qui, le premier, a étudié et analysé ces documents confidentiels. Ils montrent d’abord que peu de choses échappe aux services de renseignements US. Il apparait notamment que les américains ont infiltrés l’état-major russe, à tous les niveaux. Ils ont ainsi une bonne visibilité de la stratégie russe de déstabilisation de plusieurs pays africains liés à la France ou aux États-Unis.
Achat d’armes en Turquie pour le compte du Mali ou de la Russie ?
Sujet sensible, la Turquie pourrait être au centre de la vente d’armement à destination du front ukrainien et de l’armée malienne. Les documents fuités affirment que le président de la Transition malienne, Assimi Goïta, avait confirmé sa volonté d’acheter des armes à la Turquie pour le compte du groupe Wagner. Mais il n’est pas précisé si cet achat avait abouti. Pas plus s’il était à destination de la milice en Afrique ou du front ukrainien. Le sujet est surveillé de près, car il touche au rôle et à la présence de la Turquie au sein de l’OTAN.
Wagner présent dans de nombreux pays africains
Le groupe Wagner est une entreprise de sécurité privée russe. Elle appartient à l’oligarque Yevgeny Prigozhin. Elle travaille conjointement avec le Russie dans de nombreux pays. Le groupe Wagner est ainsi impliqué dans plusieurs pays d’Afrique. En Libye, il a été accusé de soutenir le général Khalifa Haftar, qui a lancé une offensive contre le gouvernement d’union nationale reconnu par l’ONU. Le groupe aurait fourni des mercenaires et des équipements militaires à Haftar. Ce qui a contribué à prolonger la guerre civile dans le pays.
Puis c’est au Soudan que le groupe Wagner a été impliqué dans des opérations de sécurité pour protéger l’ex Président Omar el-Béchir. Il tient un rôle trouble aussi dans la sécurité des champs pétroliers dans la région de Darfour. Une exploitation pétrolière dont les recettes ne sont pas très transparentes.
En Afrique francophone, une implication de plus en plus forte
C’est d’abord en République centrafricaine que le Groupe Wagner est apparu en soutien au Président Faustin-Archange Touadéra. Déjà avec des exactions dénoncées par les ONG. Puis la milice s’est imposée au Mali et au Burkina Faso, où Wagner apporte un soutien militaire important aux nouveau dirigeants de ces pays. A chaque fois en remplacement des forces françaises, sommées de quitter la région.
La façon dont est alors rémunérée la milice privée reste un sujet de discrétion. L’efficacité militaire mise en avant pour l’imposer est par ailleurs contestée. En effet, quelles que soient les problématiques liées à la présence française, avec une pratique post-coloniale que n’acceptent logiquement plus les populations locales, les militaires présents en Afrique étaient aguerris et disposaient de matériels ultra-perfectionnés, avantage dont ne dispose pas la milice russe. Conséquence : des résultats pour l’instant peu concluant face aux terrorisme.
Bientôt le tour du Niger, du Tchad et de la Côte d’Ivoire ?
Désormais, c’est vers le Niger, et ses réserves d’uranium, et la Côte d’Ivoire, pays le plus riche de la sous-région, que lorgne la Russie. Et comme à chaque fois, on retrouve avant l’arrivée des militaires une campagne médiatique bien orchestrée. Si au niveau des médias traditionnels, la France avait une influence très importante, expliquant les coupures de ses médias institutionnels, France 24 et RFI, au niveau des réseaux sociaux, particulièrement lus par les populations les plus jeunes, la propagande pro-russe est largement mieux organisée que celle de la France et des États-Unis.
Cela peut prendre des formes plus ou moins officielles, comme vient par exemple de le révéler Jeune Afrique à travers son enquête sur les sources de financement du panafricaniste franco-béninois Kemi Seba. Il est révélé que Prigozhin a financé le « Projet Kemi » en 2018 et 2019 pour favoriser son implantation en Afrique. Kemi Seba reconnait d’ailleurs, sans sourciller, avoir perçu 440 000 € de l’oligarque et explique que c’était pour financer sa lutte contre le Franc CFA. Il a, depuis, pris ses distances avec le fondateur de Wagner, qui le poussait à des actions plus violentes.
Au final, quel gain pour les populations locales
La Suissesse Nathalie Yamb fait aussi partie des influenceurs importants qui revendiquent leur lien fort avec la Russie. Ce qui lui a valu une interdiction de séjour en France.
L’influence de Wagner en Afrique soulève des questions. Si le modèle de domination français ne pouvait plus tenir aujourd’hui, les population locales risquent de ne pas sortir gagnante d’une forte déstabilisation de la région. Dans tous les pays concernés, les activités de la milice Wagner ont été associées à des violations des droits de l’Homme, des tensions ethniques revigorées et des conflits prolongés. Et déjà l’on assiste à des premiers signes de recul de la démocratie, avec notamment une liberté de la presse restreinte et des oppositions muselées.