La guerre civile du Biafra a causé plus d’un million de morts entre 1967 et 1970. Rêves d’indépendance brisés pour le peuple Igbo qui souhaitait s’affranchir de la tutelle fédérale du Nigeria. Un conflit historique, héroïque et sanglant qui émeut une grande partie de l’opinion internationale.
Il est des guerres qui marquent la mémoire. Et celle du Biafra en est une. Sans en connaître les tenants ou les aboutissants, ni même où le conflit a exactement eu lieu, beaucoup savent confusément qu’il s’agissait d’un conflit impitoyablement meurtrier. En effet. Entre 1967 et 1970 : plus d’un million de Nigérians trouvent la mort au cours de la tentative de sécession de la région pétrolière du Biafra.
Juillet 1966. Un coup d’état militaire instaure un Gouvernement fédéral militaire (GFM). A sa tête, le lieutenant colonel chrétien Yakubu Gowon, placé là par la junte musulmane, et chargé de rétablir au plus vite le régime civil. A la recherche d’unité nationale, Lagos ne peut éviter les persécutions dont est victime l’ethnie Igbo (chrétienne) dans le nord du pays. Huile sur le feu : le gouverneur militaire de la région Est – fief du peuple Igbo – le lieutenant colonel Chukwuemeka Odumegwu Ojukwu refuse de reconnaître la légitimité de Gowon. Chronique d’une guerre annoncée.
Mai 1967 : proclamation de l’indépendance du Biafra
Dernier effort pour sauver le pays de la guerre civile, les autorités ghanéennes tentent une médiation pour trouver un consensus politique à la crise. L’accord d’Aburi (janvier 1967) propose l’abandon du système des régions au profit de la division du territoire en douze Etats fédéraux. Insuffisant pour le gouvernement d’Ojukwu, qui déclare que tous les revenus générés dans la région seront désormais bloqués par le gouvernorat du Biafra. A titre de réparation pour le coût des transferts de population engendrés par l’exode des Igbos du Nord fuyant la répression.
L’Assemblée consultative de la région de l’Est enfonce, le 26 mai 1967, le dernier clou du cercueil de la réconciliation nationale, en votant la sécession du Biafra. Lagos déclare l’état d’urgence. Trois jours plus tard, Ojukwu proclame l’indépendance de la République du Biafra, renommée par la suite Golfe du Biafra. La réaction du GFM ne se fait pas attendre. Et ce qui n’était, au départ, que « des mesures policières », s’est rapidement transformé en une véritable guerre civile. Un conflit où, au plus fort des combats, les troupes fédérales aligneront près de 250 000 hommes.
Le Golfe du Biafra reconnu officiellement
Acculé, le Biafra tient bon et les indépendantistes, que le pouvoir central entendait mater rapidement, contraignent Lagos à une véritable épreuve de force. Criant au génocide, les militaires biafrais ne tardent pas à attirer l’attention sur leur sort. Les troupes régulières font le blocus de la région. Interdisant à tout convoi humanitaire de pénétrer dans la zone de conflit. Les Igbos, au bord de la famine, ne cèdent pas. Cette guerre civile, dans l’une des plus importantes réserves de pétrole du continent, ne laisse personne indifférent.
La Tanzanie, la Zambie, le Gabon, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, la Rhodésie (l’actuel Zimbabwe) et le Portugal reconnaissent officiellement l’indépendance du Biafra, soutenu officieusement par la France… Et par de nombreux autres pays qui trouvent son combat héroïque. Si la Grande Bretagne apporte un soutien timide au gouvernement fédéral, l’Union soviétique, en revanche, devient l’un de ses plus importants pourvoyeurs d’armes. Seuls les Etats-Unis restent tout à fait neutres dans le conflit. Ralliés à la légitimité du GFM, ils interdisent toutefois la vente d’armes à chacun des deux camps.
Pas de concession
Le Biafra, à genoux, demande aux Nations Unies de discuter les modalités d’un cessez-le-feu pour préparer des accords de paix. Le gouvernement central y oppose un non catégorique et ne souhaite qu’une chose : la reddition totale et inconditionnelle. Parce qu’il estime que les rebelles ont dès le départ opté pour « un combat au finish et qu’aucune concession ne les satisferont », avance le lieutenant colonel Yakubu Gowon.
En décembre 1967, une quadruple offensive, forte de 120 000 hommes, aura raison des dernières défenses biafraises. Ojukwu s’enfuit en Côte d’Ivoire, laissant à son second le soin de signer, le 12 janvier 1968, un cessez-le-feu inconditionnel et immédiat. Ainsi s’achève la guerre du Biafra. Trente-trois mois de combats qui ont fait entre un et trois millions de morts et déplacé plus de trois millions de réfugiés igbos.
Aucune trace de génocide
Malgré les accusations de génocide, aucune preuve de telles allégations n’a pu être trouvée par les observateurs internationaux invités dans le pays à cet effet par les autorités de Lagos. Aucun procès ne suivra cette guerre et les combattants igbos seront réintégrés aux forces régulières. Après la destitution du désormais général Gowon en 1976, Ojukwu est « pardonné » par les autorités et est autorisé à retourner vivre au Nigeria. Il s’installe dans l’Etat d’Enugu (sud-est du pays).
Candidat aux élections présidentielles de 2003, l’ancien chef rebelle biafrais, âgé aujourd’hui de 70 ans, est une des composantes majeures de l’opposition actuelle, avec son parti, la Grande alliance pour le tout progrès (All progressive grand alliance). Il ne désarme pourtant toujours pas sur la condition des siens. Une minorité (chrétienne) de 15 millions sur les plus de 100 millions d’âmes que compte le Nigeria. « Aucun des problèmes qui ont mené à la guerre du Biafra n’a encore été résolu. Ils sont encore là. Nous avons une situation qui rampe vers le type de conditions qui ont vu le début de la guerre ». Espérons (seulement) que l’Histoire ne soit pas au Nigéria un éternel recommencement.
A Voir :
La Chaine Histoire propose chaque soir, du 27 décembre 2003 au 2 janvier 2004, une rétrospective de la guerre du Biafra.