Alors que la crise de Qatar prend de plus en plus d’ampleur et se répercute sur tous les continents, nous vous proposons de relire l’article publié en 2013 : L’Afrique, terrain de jeu du vilain petit Qatar, en lien avec un livre de Jacques-Marie Bourget et Nicolas Beau.
L’Afrique, terrain de jeu du vilain petit Qatar
Avec ses milliards, le Qatar a longtemps été considéré comme un allié utile dont les investissements étaient bienvenus, mais aujourd’hui Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget publient un livre enquête qui va changer le regard du grand public sur ce petit pays, de la taille de la région Ile de France, qui avec sa chaîne Al-Jazeera a une influence sur plusieurs continents.
L’influence du Qatar en France est bien connue. L’ancien président Nicolas Sarkozy et son fidèle Claude Guéant qui fait parler de lui actuellement avec ses histoires de tableaux, Rachida Dati et avant eux Jacques Chirac et surtout Dominique de Villepin ont toujours été des fidèles amis du petit émirat. Mais cette image de sauveur fortuné et sans arrières pensées commence à battre de l’aile. Il y a quelques jours, le Paris Saint-Germain (PSG) propriété du fonds d’investissement qatari vient de remporter le titre de champion de France et son sacre a été fêté dans la violence par des pseudos-supporters qui ont détruits toutes les vitrines du coté du Trocadéro, avec au bilan final une trentaine de blessés. Mais sur BeIn Sport, la nouvelle sportive chaîne du groupe Al Jazeera qui concurrence Canal Plus depuis un an dans l’hexagone, les événements ont été minimisés et c’est tout juste si les tirs de bombes lacrymogènes n’étaient pas présentés comme des feux d’artifices… Voila résumé le Qatar, de l’argent, une réussite indéniable mais une image trouble et une information pour le moins biaisée.
Mais la France n’est pas l’unique la priorité du Qatar racontent les deux journalistes Nicolas Beau (Libération, Le Monde, Canard enchaîné) et Jacques-Marie Bourget (L’Express, France-Inter, Paris Match) qui expliquent le rôle décisif de l’émirat lors des printemps arabes. Une intervention loin d’être neutre pour celui qui est présenté comme un ogre wahhabite, bien loin de l’Islam tolérant qu’il revendique. Pour arriver à ses fins, le Qatar serait prêt à tout, et Al Jazeera est la pour servir. Les deux auteurs reprennent une anecdote du politologue Naoufel Brahim[i[Naoufel Brahimi, Le Printemps arabe, une manipulation ?]] qui se serait déroulée à Oujda au Maroc. « C’est ici que la chaîne qatari Al-Jazira aurait, à l’aide de figurants, filmé de fausses scènes d’émeutes. Le but étant de diffuser ces séquences plus tard, en situant la « révolte » en Algérie. Un ambassadeur du Maghreb en Europe affirme que, toujours en prévision d’un « printemps algérien », cinq cent téléphones portables capables de prendre des vidéos ont été distribués par le Qatar à de jeunes algériens. Pour la mise en ligne de la révolte, Facebook va devoir attendre encore un peu » à moins que l’état de santé déclinant d’Abdelaziz Bouteflika ne permette de remettre ces images dans l’actualité…
De Kadhafi au Nord Mali
L’influence du Qatar sur la zone sahélienne, Mauritanie, Niger ou Mali se trouvait bloquée par le Guide Libyen, et par ailleurs 50 milliards de dollars détournés par le Guide libyen et ses proches étaient placés au Qatar racontent les journalistes dans leur enquête. On a donc les deux motivations du Qatar pour lancer une guerre en Libye, par l’intermédiaire de la France. Et sur la façon de convaincre Nicolas Sarkozy, Ziad Takieddine le controversé homme d’affaire franco-libanais a son idée comme il l’affirme à France 24 « Oui totalement. […] Les 300 millions n’ont pas été envoyés. Mais ils ont été payés autrement, par Lugano (importante place financière suisse, ndlr) et autres à travers le Qatar pour finir dans les poches de Guéant et Sarkozy. » Avec ces rumeurs, si l’ancien président français acceptait de prendre la tête d’un fonds d’investissement Qatari comme régulièrement annoncé, cela serait du plus mauvais effet.
Derrière chacune des action du Qatar se trouve toujours une motivation religieuse. Alors que la rébellion s’est emparée du Nord Mali, le Qatar est très présent à Gao avec le Croissant Rouge qui travaille en duo avec le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). Une situation trouble que certain politique français comme la sénatrice communiste Michèlle Demessine n’hésite pas à dénoncer « Qui finance certains groupes d’action au Nord-Mali, si ce n’est le Qatar ? Doit-on se voiler la face ? » Pourtant, la France a changé de Président et François Hollande lance l’opération Serval et la reconquête du désert. Une entrée en guerre perturbant les plans du Qatar qui prévoyait que la période de trouble serait plus longue et que Doha pourrait ainsi intervenir comme négociateur, permettant aux jihadistes d’obtenir si ce n’est un zone autonome, au moins une certaine reconnaissance. Pour autant, la France est aujourd’hui coincée au Mali et a bien besoin d’une aide des pays africains pour se sortir de ce mauvais pas.
Après les nombreuses informations de ce livre, l’annonce du lancement prochain d’une version francophone d’Al-Jazeera, s’explique parfaitement et inquiète fortement. La version arabophone de la chaîne d’information a finalement très peu d’influence au Maghreb et encore moins en Afrique noire. Sans parler de la population d’origine africaine des banlieues françaises qui ne comprend pas l’arabe littéraire. Le Qatar va donc développer une version en français de sa chaîne d’information pour passer ses messages et développer son influence, et comme ses poches sont encore bien pleines de milliards de dollars à distribuer il convient de se méfier sérieusement de cet ami qui nous veut du mal.