Le patriarche rasta Jah Eliejah Adanjah, dit Père Jah, natif de la Guadeloupe, a décidé il y a cinq de retourner avec sa famille en Afrique qu’il considère comme sa terre ancestrale. Aumônier de l’Ethiopian World Federation, il entreprend au Bénin de préparer le terrain pour les candidats au retour et prône la réappropriation de l’histoire du peuple noir. Interview.
Dreadlocks roulées en boule derrière la tête et dreadlocks dans sa longue barbe grisonnante, le Père Jah, tunique et pantalon blancs, promène sa frêle silhouette dans les rues de Cotonou. Présent dans la capitale économique béninoise dans le cadre du Festival Gospel et Racines (27 octobre- 3 novembre 2002), le patriarche, pionnier des volontaires au retour en terre d’Afrique, a choisi avec sa famille de quitter la Guadeloupe pour le Bénin il y a cinq ans. Figure de la diaspora, il travaille désormais à accueillir les autres candidats au retour. Aumônier de l’Ethiopian World Federation, il milite pour l’unité du peuple noir. Dans la paix et avec la pleine conscience de son identité.
Afrik : Quel est le sens de votre retour en Afrique ?
Père Jah : Il y a 500 ans, il y a eu déportation d’une partie de la population africaine vers les Amériques et les Caraïbes pour une tribulation qui s’appelle l’esclavage. Je me suis installé voici cinq ans au Bénin pour mettre en place les structures afin de permettre le retour des volontaires. Que se soit pour des retours-pèlerinages, des retours-projets ou des retours- réimplantations.
Afrik : Vous êtes de la Guadeloupe. Est-ce-que vous vous considérez comme un Antillais ?
Père Jah : Non. Le bois resté longtemps dans l’eau ne devient pas caïman. Je suis un Africain né dans la déportation avec mission de retourner sur sa terre ancestrale. Nous sommes Ethiopiens plus communément appelés Africains.
Afrik : Pensez-vous que les Noirs connaissent véritablement leur histoire ?
Père Jah : Il y a une amnésie de part et d’autre. Il nous faut reconstituer notre histoire et guérir le passé pour bâtir l’avenir. Il faut que le peuple noir prenne conscience de l’influence centrale qu’à jouée l’Afrique dans l’histoire de l’humanité. Les découvertes historiques nous le prouvent. En étudiant les pyramides, nous savons par exemple que les civilisations pharaoniques noires égyptiennes ont influencé les Grecs. Ensuite, les Grecs ont influencé les Latins et les Latins l’Occident. Peu de personnes savent que même pendant la période de l’esclavage, les Noirs ont fortement contribué au progrès et à la science en faisant de nombreuses inventions.
Afrik : Comme par exemple ?
Père Jah : C’est Latimer, un Noir affranchi de l’esclavage qui, grâce au filament de carbone, à réussi à transformer l’électricité en lumière. Ce sont également des esclaves noirs qui, pour alléger leur tâche, ont inventé le monte-charge qui deviendra plus tard l’ascenseur. Lors d’un colloque sur » la contribution des Noirs à la science et la technologie pendant la période de l’esclavage « , nous avons recensé 101 inventions à inscrire au patrimoine des générations déportées. Elles sont toutes exposées au Musée des inventions et des savants noirs au Centre culturel africain de Cotonou. Nous avons également créé la première ambassade culturelle de la diaspora à Ouidah (ville historique de l’esclavage où se trouve notamment la Porte du Non-retour, ndlr).
Afrik : Vous parlez de paix et de réconciliation. Quel est dans votre schéma, la place de l’homme blanc ?
Père Jah : Le schéma fonctionne sur un triple partenariat. Les frères d’Afrique, la diaspora mais également la contribution indispensable de ceux qui sont actuellement les grands bénéficiaires de la technologie et des moyens qu’exigent un développement pour sécuriser l’avenir de l’humanité.
Afrik : Vous voulez parler de réparations financières ?
Père Jah : Pas forcément. Il faut inviter les Européens à comprendre que le plus grand remède pour l’humanité est de travailler dans la paix. Peu importe les drames d’hier, le présent est un trésor à partager. Le problème de l’Occident est qu’il n’a jamais partagé. Nous avons travaillé pour lui pendant 400 ans et nous sommes encore captifs par notre pauvreté. La plus grande richesse de l’Homme c’est lui-même et il faut que l’Afrique se réapproprie ses enfants. Et cela n’a rien à voir avec de la monnaie papier mais avec la dignité.
Photos
Le Père Jah.
Porte du non-retour.
Ambassade culturelle de la diaspora
BP 330 Ouidah
Bénin
diasporafrica@yahoo.com