Joacine Katar Moreira, parlementaire portugaise, née en Guinée-Bissau, a été victime d’un discours xénophobe tenu par le chef du parti anti-système et populiste Chega. L’historienne de 37 ans venait de déposer une proposition de texte de loi portant sur la restitution aux anciennes colonies des objets d’art africains détenus au Portugal.
Dès ses premiers pas au Parlement, la jeune députée a été victime de plusieurs messages racistes et de menaces.
Des messages de pur racisme vivement condamnés
La publication du responsable du parti anti-système et populiste Chega a créé un véritable tollé au sein de l’opinion publique. Sur sa page Facebook, il a suggéré que la jeune députée « soit rendue à son pays d’origine ». Il a ajouté que « ce serait mieux pour tout le monde », reprochant à Joacine, originaire de Guinée-Bissau, de défendre un projet de loi de restitution d’œuvres d’art détenues par le Portugal aux anciennes colonies.
Le parti de gauche, dont Joacine Ktara Moreira est membre, a réprouvé les propos du chef du parti Chega André Ventura. Dans sa déclaration, le parti s’insurge contre « les attaques personnelles constantes et les références à caractère raciste » dont est victime sa parlementaire. Dans l’éditorial du 29 janvier du Publico, un quotidien portugais de référence, la tirade d’André Ventura est qualifiée « d’abjecte ».
Francisca Van Dunem, ministre portugaise de la Justice, noire et née à Luanda en Angola, est montée au créneau pour condamner le discours pour le moins xénophobe que l’on entend de plus en plus et qui a franchi les portes du Parlement. Cette publication du député Ventura lève définitivement le doute sur le fait que le thème récurrent au Parlement, les années à venir, sera définitivement le racisme.
« Racistes », c’est ainsi qu’Ana Catarina Mendes a qualifié les propos de Ventura. Elle est même allée jusqu’à requérir un vote du Parlement contre ce type de propos injurieux proférés contre les communautés roms et noires. Joacine fait partie des 3 femmes noires élues à l’Assemblée portugaise, lors des élections du 6 octobre dernier. Depuis son accession au rang de parlementaire, elle a été au cœur de plusieurs scandales médiatiques, étant présentée par l’hebdomadaire Expresso dans sa Une comme « Noire, bègue et pauvre ».
Le premier député portugais d'extrême droite depuis 1974 se livre à une surenchère raciste.
Il a demandé l'expulsion du pays de la député Joacine Katar Moreira, née dans l'ancienne colonie de Guinée-Bissau. https://t.co/CYzwizv6cn— Victor Pereira (@VictorPereir1) January 29, 2020
Une femme noire représentant un parti provocateur
Les dernières Législatives au Portugal ont complètement bouleversé la nomenclature classique du Parlement, avec la montée en puissance du Livre, dont Joacine Katar Moreira est membre. Dans un univers essentiellement dominé par des hommes blancs en costume, l’historienne de 37 ans détonne complètement.
En plus d’être une femme, elle est jeune, noire et bègue. Etant titulaire de la double nationalité portugaise et bissau-guinéenne, c’est une femme divorcée et mère célibataire. Il aurait fallu qu’elle soit également musulmane pour que la provocation soit parfaite, car dans le pays dont elle est originaire, la majorité de la population pratique la religion islamique.
Joacine est députée unique du parti Livre, lui-même présenté comme un parti pro-européen, écologiste et « provocateur ». L’objectif du parti qui a le coquelicot pour emblème est de « choquer l’opinion » pour provoquer une réflexion publique sur les problèmes sociaux. Une ligne de conduite qui se rapproche du mouvement des Femen.
Il ne fait aucun doute que le choix de Joacine comme député dans un Parlement à majorité masculin est en soi une véritable provocation. Lorsque l’on ajoute à cela la jupe masculine de Rafael Esteves Martins, assistant parlementaire et assesseur de Joacine au Parlement, le premier jour de leur entrée au Palais de São Bento, la provocation est à son comble.
Elue avec deux autres femmes noires, Joacine représente, sur le plan idéologique et physique, une anomalie. La jeune femme bègue et pas qu’un peu. Son bégaiement est à un tel point prononcé que pour certains, il s’agirait d’une simulation. Elle représente les personnes dont les voix ne peuvent porter dans les hautes instances étatiques.
Il n’en a pas fallu beaucoup pour que cette série de provocations, grâce à laquelle le parti Livre entend jouer le jeu du parti de l’extrême droite, crée un effet polarisateur. Alors, lorsque la parlementaire met sur la table sa proposition de loi en faveur de la restitution des objets d’art africains aux anciennes colonies portugaises, elle donne ainsi l’occasion à Ventura de lui montrer publiquement toute l’antipathie.