Le gouvernement français a pris la décision de mettre la pression sur les réseaux afin qu’ils restreignent les contenus liés aux émeutes. Une mesure qui rappelle des dispositions, beaucoup plus corsées, prises au Sénégal, il y a peu. La mort de Nahel, 17 ans, ayant entrainé des violences inédites en France.
Dans la nuit de vendredi à samedi, de nouvelles scènes de pillages et de violences sporadiques ont secoué plusieurs villes de France. La tension autour de la mort du jeune Nahel, ce livreur de 17 ans tué par un policier, ne se dissipe toujours pas. Quoiqu’elle ait baissé d’intensité, selon le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Dans le Rhône, quatre policiers ont été blessés par des tirs de fusil à grenailles.
1 311 interpellations, 1 350 véhicules incendiés
Deux des policiers blessés présentent des hématomes et deux autres des impacts sur le nez et la cuisse. Suffisant pour que le parquet de Lyon ouvre une enquête pour « violences volontaires avec arme sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ». Les interpellations ont toutefois augmenté par rapport à celles de la veille où 875 individus ont été arrêtés.
Il y a eu 1 311 interpellations au niveau national, selon un nouveau bilan établi ce samedi, par les autorités françaises. 2 560 incendies sur la voie publique et 1 350 incendies de véhicules constatés. Par ailleurs, 266 feux ou dégradations de bâtiments ont été enregistrés, dont 26 mairies, 24 écoles et cinq établissements de justice. Le ministère a, en outre, fait état de 31 attaques de commissariats, 16 attaques de postes de police municipale et 11 casernes de gendarmerie.
Pourtant, vendredi après-midi, Gérald Darmanin avait annoncé, à l’issue d’un deuxième comité interministériel de crise en deux jours, la « mobilisation exceptionnelle » de 45 000 policiers et gendarmes. En plus des unités d’élite comme le GIGN. Cela n’a pas empêché les saccages et pillages de masse de se poursuivre, sur tout le territoire français. Pour l’heure, la France tente de circonscrire les violences nées de la mort de l’adolescent.
De la responsabilité des réseaux sociaux
Vendredi, le Président français avait annoncé des mesures dans le sens de promouvoir une meilleure gestion des réseaux sociaux. « Nous prendrons, dans les prochaines heures, plusieurs dispositions… D’abord en lien avec ces plateformes », a lancé Emmanuel Macron. Déjà jeudi, le Parlement français a voté l’obligation pour les plateformes comme TikTok, Snapchat ou Instagram de vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Le consentement parental requis pour les moins de 15 ans.
Toujours vendredi, une réunion entre le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, celui du Numérique, Jean-Noël Barrot, et les plateformes numériques a eu lieu. A la suite de cette rencontre, le ministère français de l’Intérieur s’est fendu d’un communiqué. « Les ministres ont notamment rappelé aux plateformes leur responsabilité quant à la diffusion de ces publications », a annoncé le gouvernement. Non sans dénoncer « une forme de mimétisme de la violence ».
« Une crise sociale et démocratique »
Aux réseaux sociaux, Gérald Darmanin a demandé de « s’engager activement pour retirer instamment les messages qui leur sont signalés ». Le ministre français de l’Intérieur a, en outre, appelé à « identifier les utilisateurs de réseaux sociaux qui participent à la commission d’infractions ». Le premier policier français a par ailleurs sommé les responsables des réseaux sociaux de « répondre promptement aux réquisitions des autorités ».
De son côté, Leïla Mörch, experte en gouvernance de l’internet et modération des contenus en ligne, estime que « ce serait une erreur de choisir les réseaux sociaux comme boucs émissaires d’un phénomène qui est finalement une crise sociale et démocratique ». Selon elle, il est vrai que les réseaux sociaux « embrasent » la situation, « la mettent sous une lumière encore plus forte. C’est vraiment un miroir déformant de la réalité ».
La France va-t-elle imiter le Sénégal ?
Elle poursuit en relativisant : « mais, en l’occurrence, ils ne sont absolument pas la cause. En 2005, il n’y avait pas les réseaux sociaux et les émeutes avaient duré le temps qu’on connaît (environ trois semaines ». Comme solution immédiate, l’experte propose la suppression du contenu en masse « pour éviter de nourrir une sorte de cercle de la haine. Mais c’est liberticide et donc ce n’est une solution qu’à très court terme ».
Récemment au Sénégal, les émeutes en lien avec la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko avaient contraint le gouvernement à prendre des mesures beaucoup plus corsées. L’accès aux sociaux avait, en effet, été restreint. Mesure qui avait permis de très rapidement désamorcer la tension galopante dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. La France va-t-elle, à son tour, franchir le pas, si la situation perdure ? Surtout que des violences sont redoutées en marge des obsèques du jeune Nahel, prévues cet après-midi ?