Depuis des années déjà des indicateurs sérieux font remarquer unanimement que la République démocratique du Congo (RDC) se retrouve en toute queue de peloton en matière de liberté économique. Le rapport Doing business de la Banque mondiale la place encore cette année à la 182ème position en termes de facilité de faire des affaires, soit l’avant-dernière place. L’indice de liberté économique du Wall Street Journal et de l’Heritage Foundation va dans le même sens : 173ème position sur 179 pour 2009.
Les économistes ont établi une corrélation positive et forte entre croissance économique et liberté économique : cette dernière incite en effet à l’entrepreneuriat, à l’investissement, à l’innovation, à la création de valeur, soit autant d’ingrédients absolument fondamentaux au développement économique. La corrélation reflète donc une causalité ici. Mais le gouvernement congolais ne semble pas être concerné au plus au point par cette causalité entre liberté économique et développement.
En effet, on recense dans les données factuelles une pléthore d’exemples qui témoignent de ce « désintérêt ». Jusqu’il y a peu, l’Etat congolais s’est comporté en véritable dictateur freinant par là tant la liberté politique que la liberté économique, menaçant même la sécurité des personnes et de leurs biens. Cette restriction de liberté se confirme davantage lorsque Mobutu se lance dans les nationalisations tous azimuts des entreprises et propriétés foncières appartenant à des ressortissants ou groupes financiers dans les années 70. La fameuse zaïrianisation en est l’exemple parfait. Ces différentes nationalisations, sous prétexte de donner à l’Etat des moyens, n’ont bénéficié qu’à la « nomenklatura » ou à l’« oligarchie despotique » en place et ont chassé la propriété privée, composante essentielle de la liberté économique : sans appropriation privée, et sûre, des fruits du travail de chacun, les incitations à l’effort productif se réduisent fortement, et avec elles, les perspectives de développement.
A côté de cette illustration du non respect de la liberté économique, il existe une gabegie mue notamment par une corruption généralisée, comme en témoigne l’indice de perception de la corruption de Transparency International (la RDC occupe la 162ème sur les 180). Cela s’explique notamment par la bureaucratie mise en place par l’Etat pour bénéficier des pots-de-vin. Cette triste réalité est, malheureusement, encore présente. On la lit dans le Doing business 2010 qui atteste que créer une entreprise en RDC exige en moyenne 13 procédures et 149 jours, alors que la moyenne de l’Afrique Sub-saharienne est respectivement de 9,4 procédures et 45,6 jours.
Parallèlement à cette bureaucratie, l’Etat congolais ne cesse de se contredire : prétendant prôner le libéralisme économique, il est loin de cela au regard des monopoles qu’il continue à garder. Le cas par exemple de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) dont l’efficacité est quasi-nulle, alors que ses services sont vitaux tant pour les entreprises que pour la population et reste tristement à ce jour la chasse-gardée de l’Etat.
Les politiques économiques du pays certifient aussi de cet esprit de non respect de liberté économique. La politique monétaire a été très longtemps essentiellement expansionniste, dans le souci de bénéficier de l’abus du droit de seigneuriage (revenu direct retiré de l’émission de la monnaie). Cela s’est rapidement transformé en une inflation galopante, voire même en hyperinflation (avec un pic historique de 9796% en 1994). Présentement, on n’est pas encore à un retour à la normale puisque le taux d’inflation toujours à deux chiffres (16,7%) avec une tendance à la hausse et des autorités monétaires peu crédibles. Ce qui tout bonnement érode le pouvoir d’achat des consommateurs et complique le calcul économique des entrepreneurs.
La politique fiscale n’est pas en reste. Comme dans le passé, la fiscalité reste un problème majeur pour la liberté économique : l’impôt sur les revenus professionnels est fixé à 40%, par exemple, ce qui dans un pays en développement et au vu des faibles services publics rendus, constitue une barrière considérable à l’effort productif. Dans la même veine, on enregistre aussi le « désordre fiscal » qui multiplie des taxes provinciales non prévues dans la nomenclature légale. A titre d’illustration, dans les provinces du Bas-Congo et Orientale, on dénombre en moyenne 20 taxes de cette nature. Les entrepreneurs se plaignent de cette fiscalité répressive, peu incitative et encourageant la fraude, dixit les différents rapports de la Fédération des Entreprises du Congo.
On peut multiplier des exemples, mais les messages délivrés par les indicateurs repris ici est limpide : en RDC, la liberté économique n’a pas assez d’espace. Si on tient donc là une partie importante de l’explication de son sous-développement, une des solutions pour son développement apparait alors également. A l’heure où l’on fait le bilan de ses 50 années d’existence, l’on ferait bien de traiter plus sérieusement la question de la liberté économique.
Un article d’Oasis Kodila Tedika, économiste congolais (RDC) publié en collaboration avec Un monde libre