Les habitants de Sam Ouandja, une localité minière située dans le nord-est de la République centrafricaine, non loin de la frontière avec le Soudan, sont sur le qui-vive, terrifiés à l’idée de devoir revivre une attaque comme celle, perpétrée début novembre par des hommes armés, qui a vidé la ville des trois quarts de sa population.
Des agents communautaires formés par l’organisation International medical corps (IMC), qui gère l’hôpital de Sam Ouandja depuis 2007, continuent à chercher à retrouver la trace des habitants les plus vulnérables, particulièrement les enfants malnutris, qui ont fui se réfugier en brousse après l’attaque nocturne du 8 novembre, et ne sont pas encore revenus.
« La dernière attaque a créé beaucoup de traumatismes, beaucoup de gens sont encore dans les champs parce qu’ils ont peur que d’autres attaques surviennent, et ceux qui sont revenus ont leurs bagages prêts pour repartir », a dit à IRIN Jean-Robert Doumanchi, le maire de Sam Ouandja.
Située à 80 kilomètres de la frontière soudanaise, cette ville diamantifère d’environ 20 000 habitants, où vivent quelque 3 000 réfugiés soudanais du Darfour, est, depuis cette attaque, quadrillée par des patrouilles d’hommes armés issus des Forces armées centrafricaines (FACA) et de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), un mouvement rebelle signataire en juin dernier d’un accord de paix avec le gouvernement.
Le 8 novembre, une quarantaine d’hommes armés ont attaqué en pleine nuit les bases des FACA et de l’UFDR pour s’emparer de quelques armes et matériels, avant d’être mis en fuite et pourchassés par les éléments conjoints des deux forces sur une dizaine de kilomètres hors de la ville.
Fuite en brousse
Cette attaque, qui a fait au moins deux morts et un prisonnier dans les rangs des assaillants, et un blessé chez les FACA, selon plusieurs sources, ne ciblait pas la population civile et n’a pas fait de victimes parmi elle, mais des milliers d’habitants terrorisés sont partis se réfugier en brousse.
« Ce n’est pas la première fois que la ville est attaquée [attaques en 2006 et 2007] », a rappelé M. Doumanchi. « Quand les gens entendent des coups de feu, ils ne restent pas dans leurs maisons, ils fuient s’abriter dans la brousse ».
L’inquiétude a été confortée par l’évacuation en hélicoptère, le lendemain de l’attaque, de certains travailleurs humanitaires opérant dans la région, a-t-il dit. « Les gens se sont dits : si les ONG [organisations non gouvernementales] partent, c’est qu’elles ont des informations, il faut partir aussi ».
Les distributions alimentaires, organisées par l’organisation Triangle avec le soutien d’agences onusiennes dans le camp de réfugiés soudanais situé à la sortie de la ville, ont dû être interrompues pendant plusieurs jours, dans une zone où la malnutrition est un problème majeur.
Lorsque les personnels d’IMC, qui gère aussi un centre nutritionnel thérapeutique (CNT), se sont rendus à l’hôpital le lendemain de l’attaque, seuls trois des quelque 50 patients hospitalisés la veille étaient encore là –ceux qui ne pouvaient se déplacer : les 22 enfants qui étaient suivis au CNT pour malnutrition avaient tous été emmenés par leurs parents.
Une semaine plus tard, seuls quelques uns d’entre eux étaient revenus. « L’un des enfants revenu [au bout d’une semaine] avait terriblement rechuté, avec des complications », a dit Félicien Djamby-Sangui, assistant nutritionniste du centre.
« En 2007, il y a avait beaucoup de problèmes de malnutrition, jusqu’à 45 pour cent dans le camp de réfugiés [soudanais] », a-t-il dit. « On avait réussi à faire baisser le taux à deux pour cent pour les cas sévères et 11 pour cent pour les modérés, mais avec les derniers événements, on risque de retomber dans la même situation ».
Des femmes enceintes ou allaitantes ont également fui la ville lors de l’attaque. « Elles sont revenues avec du paludisme, des douleurs aux membres inférieurs dues à la course en brousse, et des problèmes de malnutrition ou de diarrhées, parce qu’en brousse elles ne mangent pas bien et elles boivent de l’eau [non potable] », a noté Rosalie Mandché, sage-femme de la maternité de l’hôpital.
Une insécurité permanente
L’attaque du 8 novembre n’a pas été revendiquée, mais selon plusieurs observateurs, elle pourrait être l’oeuvre de membres du FDPC, une faction rebelle non signataire de l’accord global de paix de juin 2008, ou d’une faction dissidente de l’UFDR.
Ces dernières violences interviennent en tout cas à quelques semaines de l’ouverture d’un dialogue inclusif de paix, censé rassembler les principaux groupes rebelles opérant en République centrafricaine et le gouvernement sous l’égide de la communauté internationale, qui doit avoir lieu en décembre.
« Ces attaquants veulent bouleverser le dialogue de paix », a affirmé le lieutenant Igor Sakaba, commandant de zone des FACA à Sam Ouandja.
Une thèse également reprise par l’UFDR, qui se veut néanmoins rassurant. « On a fait l’effort de faire la paix, on a fait l’effort de chasser les attaquants, on va continuer », a dit à IRIN Ayoub Issaka, l’un d’entre eux, alors qu’il était en faction à une intersection de la ville.
La présence visible à Sam Ouandja de très nombreux hommes en armes, membres de patrouilles mixtes FACA et UFDR, rappelle néanmoins que l’instabilité reste une constante dans la région – une insécurité dont les populations sont les premières à subir les conséquences.
« Ils (FACA et UFDR) nous rackettent, quand on va aux champs, ils font des barrages sur la route et nous prennent de l’argent », s’est plainte une habitante.
« Ces hommes sont armés, personne ne peut rien dire. On est obligé de subir leurs caprices parce qu’ils défendent la ville, mais on n’est pas tranquilles », a dit un autre.