La mise en place de la deuxième phase du Projet de développement rural participatif et décentralisé (GP DERUDEP) a suscité des réactions mitigées au Cameroun. Dans cette contribution, Chofor Che, analyste pour africanliberty.org, soutient que l’aide financière n’a jamais été une panacée durable pour le développement en Afrique. Il explique comment l’autonomisation des conseils municipaux pourrait être le chemin à suivre.
Le 16 décembre 2013, le gouvernement du Cameroun et la Banque africaine de développement (BAD) ont signé la deuxième phase de l’accord de prêt nommé Grass Field Projet de développement rural participatif et décentralisé (GP DERUDEP). Selon la BAD, les agriculteurs de la Région du Nord-Ouest (RNO) du Cameroun devraient bénéficier de ce prêt de façon adéquate. Le montant total du projet est estimé à 25,600 millions d’UA et le Gouvernement du Cameroun devrait fournir le reliquat de 8,80 millions d’UA. Dans le prolongement de la première phase du projet de 2005 à 2011, il est prévu que la deuxième phase soit réalisée dans les domaines de la RNO avec un fort potentiel de production comme Widikum, une sous-division avec un fort potentiel de croissance de la production d’huile de palme. Apparemment, la deuxième phase du projet doit toucher 8 des 36 régions de conseil municipal de la RNO. On espère que la deuxième phase du GP DERUDEP améliorera la production agricole, en particulier la réhabilitation et la construction des routes entre fermes et marchés dans la RNO.
La mise en place de la deuxième phase du GP DERUDEP a créé des réactions mitigées au Cameroun. Beaucoup sont optimistes quant au succès du projet tandis que beaucoup de Camerounais au Cameroun et à l’étranger restent pessimistes. Au cours de l’émission hebdomadaire Cameroun Calling, un programme populaire sur les développements politiques et économiques au Cameroun sur la radio et la télévision du Cameroun (CRTV), le 29 décembre 2013, le coordonnateur du GP DERUDEP a reconnu que l’Etat du Cameroun a prévu d’inclure au projet quelques conseils municipaux de régions isolées qui n’avaient pas été impliqués au cours de la première phase de ce projet , mais la BAD a imposé une feuille de route pour la réalisation de la deuxième phase. Malgré tout, il a ajouté que les conseils municipaux concernés seront impliqués en tant que partenaires dans le projet d’autant qu’ils seront appelés à contribuer à la réalisation effective de la deuxième phase.
En tant qu’analyste spécialisé sur les questions de développement décentralisé sur le continent et au Cameroun en particulier, dans la mesure où les intentions de la BAD sont surement bien fondées, l’impact de GP DERUDEP pourrait cependant ne pas répondre adéquatement aux préoccupations de la population de la RNO. Tout d’abord, plusieurs habitants affirment que plusieurs activités prévues dans le cadre de la première phase de ce projet n’ont pas été correctement exécutées en raison du manque d’expertise technique. D’autres affirment que beaucoup de fonds budgétés dans la première phase de la subvention ont été détournés par des fonctionnaires corrompus.
L’aide financière n’a jamais été une panacée durable pour le développement en Afrique. Les prêts et dons de la BAD ainsi que l’assistance financière d’autres organismes bailleurs de fonds n’ont pas résolu de manière adéquate les problèmes de pauvreté et de développement du continent. Preuve en est que les Nations Unies (ONU) sont actuellement préoccupées par la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sur le continent d’ici à 2015 parce que l’aide financière s’est avérée inadéquate pour le développement du continent. Plutôt que de signer des accords de prêt, qui ne feront qu’enrichir quelques fonctionnaires corrompus, l’autonomisation des conseils municipaux pourrait être le chemin à suivre. Il faudrait certainement leur donner une autonomie administrative et financière substantielle afin de prendre en charge le développement rural. Le pays n’arrive pas à assurer un équilibre dans la répartition financière entre les conseils municipaux riches et pauvres. Un conseil comme le Conseil Widikum dans le RNO pourrait bénéficier d’une formation du personnel nommé et élu sur la conception et la gestion de projets ruraux en particulier dans la production d’huile de palme.
Ce conseil municipal ainsi que d’autres dans le pays pourraient aussi renforcer le rôle des femmes dans la haute direction de leurs régions. La création d’emplois pour les jeunes et les femmes devrait être une priorité de ces partenariats entre les organisations internationales, les gouvernements centraux et les conseils municipaux. Le Cameroun regorge de ressources naturelles et humaines riches et ne devrait pas avoir à compter autant sur l’aide financière des bailleurs de fonds internationaux. Si seulement l’État pouvait prendre certaines de ces suggestions en compte, plutôt que de dépendre de l’aide étrangère alors, l’État pourrait réaliser des améliorations dans le développement rural participatif et décentralisé.
Chofor Che est juriste, analyste et associé de AfricanLiberty.org. Il est également doctorant à l’Université de Western Cape, en Afrique du Sud. Article initialement publié en anglais par AfricanLiberty. Traduction réalisée par Philippe Meluse. Publié en collaboration avec Un Monde Libre.