« Repassez » ce sein que je ne saurais voir


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Un fer à repasser en position verticale
Un fer à repasser en position verticale

C’était il y a douze ans, mais Amélie n’a jamais oublié. Cette Camerounaise de 24 ans est l’une des nombreuses adolescentes dont les seins ont été « massés » à la puberté pour empêcher leur développement et éloigner les garçons. C’est sa mère qui s’est chargée, avec une pierre brûlante, de « repasser » sa poitrine, qui garde encore les stigmates de cette coutume. Témoignage.

« À 12 ans, quand j’ai eu un peu de seins, mes parents étaient inquiets. Ils avaient peur que j’attire les garçons. Un jour, ma mère m’a appelée et elle a commencé à me masser les seins avec une pierre chauffée dans le feu. Elle avait un chiffon pour ne pas se brûler et a posé la pierre brûlante sur moi. Elle disait qu’il fallait que la pierre soit bien chaude pour casser le ‘noyau’ qu’il y a quand les seins poussent. Ça faisait très mal. Quand elle massait, je criais tellement que les voisins venaient voir ce qui se passait dans la cuisine.

Parfois, je fuyais et je restais dans un coin parce que j’avais peur qu’elle recommence. Quand je revenais, elle faisait comme si elle n’allait plus le refaire et on parlait de choses et d’autres. Au moment où je voyais la pierre auprès du feu, c’était trop tard et elle m’avait déjà arrêtée. Certains voisins justifiaient ce que ma mère faisait estimant que c’était bon pour éviter aux garçons de me tourner autour, alors que d’autres lui demandaient d’arrêter. Mais ma mère ne les écoutait pas. Tout ça a duré trois mois, matin et soir. Mon père ne l’a jamais su parce qu’il n’était pas là quand ma mère le faisait.

« Parfois, ma mère me demande pardon »

Finalement, ma mère a pu écraser le ‘noyau’ et mes seins sont partis. Ils sont revenus plus tard, mais tout petits. Et je pense que j’aurais dû avoir beaucoup de seins car ma mère en a en quantité. A cause de ça, je me sens vraiment gênée. Pour tout dire, je ne peux pas porter les habits que je veux et je dois porter des soutiens-gorge rembourrés. Ces petits seins me troublent. Je ne vois pas comment plaire comme ça. Avec les hommes, c’est vraiment difficile. Certains se sont moqués de moi et ça dure jusqu’à présent. Un ami m’a dit : ‘Si tu n’as pas de seins, ça ne vaut pas la peine’ ».

Même après ma grossesse, je n’ai pas eu beaucoup de seins, comme je l’espérais. Au début, j’avais même des problèmes pour allaiter et j’ai dû suivre un médecin. Il m’a prescrit des médicaments pour que le lait monte. A cause de la pierre brûlante, j’ai des petites tâches de brûlure qui sont restées, même si certaines sont parties avec le temps. Et j’ai toujours mal aux seins. J’en veux vraiment à ma mère. Je lui ai parlé de ça maintes fois. Parfois, elle me demande pardon, mais ça ne me dit rien car c’est déjà fait. Ma fille a aujourd’hui quatre ans et jamais je ne lui masserai les seins. »

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