Fermées depuis plus d’un an, les frontières terrestres nigérianes ont commencé par être rouvertes ce mercredi. Cette décision émane des autorités nigérianes elles-mêmes, qui avaient choisi d’être sourdes à toutes les négociations à un moment donné. Après ce rétropédalage de la part du régime nigérian, on peut se permettre de relever quelques points positifs qui émergent de cette expérience, pour le Bénin. Tout n’était pas négatif.
La proximité pluriséculaire a créé des liens très serrés entre les populations du Bénin et celles du Nigeria. Les populations passent d’un pays à l’autre avec aisance. A la hauteur des frontières artificielles imposées par la colonisation, la CEDEAO des peuples est une réalité vécue quotidiennement par les populations frontalières. Mais bien des fois, les autorités nigérianes, bafouant ces principes de bon voisinage et même le protocole de la CEDEAO qui recommande la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace, ferment leurs frontières. Pour un oui ou un non, les frontières avec tel ou tel Etat sont fermées.
Depuis plusieurs années, le Bénin fait les frais de cette politique nigériane. Le dernier exemple en date remonte à août 2019 où le régime de Muhammadu Buhari a unilatéralement décidé de fermer les frontières terrestres nigérianes pour officiellement lutter contre l’importation de denrées alimentaires comme le riz, le trafic d’armes et de drogues. Les pourparlers entrepris avec le gouvernement nigérian dès la fermeture des frontières par les Etats frontaliers dont le Bénin se sont révélés vains. Même l’intervention de la CEDEAO n’a pas porté de fruits. Le Président nigérian est resté campé sur sa position. Un mois, deux mois, trois mois et plus sont passés. Et rien n’a bougé.
C’est alors que le gouvernement et la population béninois ont pris acte. Et le Président du Bénin, Patrice Talon, a publiquement dit, au cours d’une interview accordée à RFI et France 24, il y a quelques mois, que la fermeture des frontières nigérianes n’était pas catastrophique pour le Bénin. Et à bon droit. La rigidité des autorités nigérianes a fini par convaincre celles du Bénin d’adopter une attitude de dignité et de faire comme si de rien n’était. « Autre temps, autres mœurs », dit la maxime. Dans un passé récent, une telle fermeture aurait entraîné mission sur mission ponctuées de génuflexions et de salamalecs à n’en point finir, en direction du grand voisin. A cause d’une supposée dépendance du Bénin vis-à-vis du géant de l’Est. Ne dit-on pas souvent sous nos cieux que « quand le Nigeria tousse, le Bénin est enrhumé » pour caricaturer cette dépendance ?
« A quelque chose, malheur est bon », dit le proverbe. Cette fermeture des frontières nigérianes doit être saluée, car aujourd’hui, il est clair qu’autant le Bénin a besoin du Nigeria, autant le Nigeria a besoin du Bénin et des autres pays frontaliers, dans une relation de complémentarité et de bon voisinage. Le Nigeria a senti les conséquences de sa décision unilatérale, et a fini par décider de la réouverture des frontières plus d’un an après leur fermeture, sans que plus personne ne le lui demande.
Le Bénin a également subi les conséquences de la fermeture des frontières intervenue subitement. Des commerçants qui vivaient du commerce transfrontalier ont reçu un coup dur, les entrées douanières ont baissé, mais en définitive, la catastrophe que l’on craignait n’a pas eu lieu. Le pays s’en est plutôt bien tiré, apportant la preuve irréfutable que cette dépendance du Nigeria n’était qu’une vue de l’esprit qu’on pouvait dépasser avec une volonté marquée. Cette leçon vaut son pesant d’or : aucun pays n’est absolument auto-suffisant tout comme aucun pays n’est absolument indispensable pour un autre.