Alors que la rentrée scolaire a débuté officiellement lundi dernier, les enseignants béninois qui s’estiment « maltraités » sont toujours dans l’attente d’une revalorisation de leurs conditions de travail promise par le gouvernement. Même si le risque de débrayages restent important, les syndicats d’enseignants ont choisi de poursuivre les négociations avec l’exécutif et maintiennent la pression pour l’application du statut du personnel enseignant tant attendu.
A Porto-Novo,
L’approche de l’élection présidentielle en février 2016 au Bénin aura poussé à la prudence les enseignants réunis au sein du Front d’actions des trois ordres d’enseignement au Bénin pour la région de l’Ouémé-Plateau, au sud-est du pays. Ils ont choisi ce mercredi au cours d’une Assemblée générale à l’école Urbaine-Centre de Porto-Novo de poursuivre les négociations entamées avec le gouvernement. Au centre des revendications, la signature du statut particulier du personnel enseignant promise par l’exécutif mais qui se fait toujours attendre alors que la rentrée a débuté officiellement lundi dernier.
Risque de récupération politique
« Pour éviter une coïncidence d’un mouvement social avec la campagne électorale » et « qu’un débrayage des enseignants (soit alors) considéré comme un abandon des enseignants pour s’engager de la campagne », la grève voulue par la direction du Front d’actions des trois ordres d’enseignement au Bénin, qui réuni les principales organisations syndicales du secteur, n’aura pas lieu, rapporte Paul Hounkpe, membre de l’organisation. « Nous restons mobilisés », a-t-il toutefois prévenu.
Ce statut particulier revendiqué par les enseignants devait entrer en application le 30 septembre dernier. Il n’a toujours pas été signé par le ministère des Finances béninois et le Président de la République, Boni Yayi. Le ministère de l’Enseignement a indiqué récemment que le dossier était sur la table et qu’il entrerait en application prochainement.
Un statut particulier
Au centre des revendications des enseignants, une revalorisation salariale de 1,8 à 1,9 % ainsi que le paiement de primes incitatives. La plupart des enseignants s’estiment déconsidérés au Bénin. Alors que la plupart des autres fonctionnaires arrivent à augmenter leur salaire officiel en percevant des perdiem.
Dans un pays où le clientélisme est la règle, les enseignants ne perçoivent que leur paye, argumente Gnité Abel, Secrétaire général d’un syndicat, membre du Front. « C’est le métier le plus dur. Partout au Bénin, dans les régions reculées, il peut ne pas y avoir d’hôpitaux mais il y aura une école », précise-t-il. En 2011, quand tous les fonctionnaires de l’Etat voient leur salaire augmenter de 25 %, les enseignants s’estiment lésés quand ils constatent alors que les différentes primes qu’ils percevaient se fonde dans cette augmentation commune à tous les fonctionnaires. Ils entament des grèves en 2011 et en 2014, une année quasiment blanche pour les étudiants, pour se voir reconnaître un statut particulier.
Alors qu’un professeur recruté au niveau baccalauréat perçoit 90 000 Fcfa, soit 137 euros, au niveau licence, il est payé 105 577 Fcfa soit 161 euros tandis que son salaire est de 115 622 Fcfa au niveau maîtrise, après cinq ans d’études, soit plus de 176 euros. Au Bénin, le salaire minimum est de 40 000 Fcfa, soit 60 euros, dans la fonction publique.
Des nominations clientélistes à la tête des établissements scolaires
En sous-effectif sur l’ensemble du territoire, beaucoup d’affectations du nouveau personnel enseignant dans leur établissement se sont faites quelques jours ou même la veille de la rentrée. Ils critiquent aussi les nominations clientélistes de beaucoup de directeurs d’établissements. Contre un soutien politique ou contre rémunération, beaucoup de ces enseignants promus se retrouvent à encadrer un personnel qui dispose de meilleurs diplômes, ce qui crée du ressentiment et des rivalités au sein du corps professoral.
Les recrutements de personnes vacataires qui constituent déjà une large majorité des enseignants se multiplient. Sans statut, payé uniquement en fonction des heures effectuées dans la semaine, ils ne disposent pas de congés payés. La précarité de ces enseignants payés 1 500 Fcfa l’heure, soit 2,30 euros, les empêche de faire grève tandis que leurs revendications peinent à se faire entendre.
Un recrutement pléthorique d’enseignants vacataires
La mise en place des Programmes d’ajustement structurels de la Banque mondiale au Bénin, qui conditionnaient à un prêt financier, la réduction des dépenses sociales, entraînent de 1986 à 1992 la fermeture des écoles normales supérieures où les enseignants étaient formés et recrutés. Tout individu au niveau du baccalauréat et de la licence est susceptible de pouvoir devenir enseignant. Les contrats de vacation se multiplient alors pour pallier le manque de professeurs qualifiés qui partent à la retraite.
Depuis, le recrutement des enseignants vacataires, beaucoup moins coûteux pour l’Etat béninois, se poursuit. Aujourd’hui, les ouvertures d’écoles privées se multiplient au Bénin, favorisées par une législation tolérante. Dès qu’ils ont les moyens financiers de payer les frais d’inscription d’une école privée, de plus en plus de parents refusent de mettre leurs enfants dans les établissements publiques, dans un pays où le taux d’alphabétisation est d’environ 45 %.