Nteppe Junior a perdu la vue en 2015, alors qu’il était âgé d’une trentaine d’années. Cette cécité ne l’a pas empêché de tracer son avenir, puisqu’il est en effet devenu opérateur économique. Nteppe Junior est aujourd’hui expert hôtelier, instructeur éducatif et coach de basket AFRIK.COM est allé à sa rencontre à Douala.
Envoyé spécial au Cameroun,
Nteppe Junior revient de loin. Alors qu’il travaillait déjà comme cuisinier dans un hôtel à Douala, la capitale économique du Cameroun, il a été frappé de cécité, un matin de 2015. Une situation qui a un peu bouleversé son entourage, mais le jeune homme est resté stoïque. « C’est arrivé au beau milieu de ma jeunesse, parce que j’ai perdu la vue en fin 2015, à la suite d’un glaucome sévère qui n’a pas été diagnostiqué à temps. Malheureusement, je n’ai pas eu de signe annonciateur. C’est la raison pour laquelle on ne l’a pas vu venir. Je dis la plupart du temps que j’ai été victime d’un hold-up oculaire. J’ai pris la chose avec philosophie. Je me suis dit que c’est la vie. Rien ne sert de pleurer sur mon sort, ça ne va rien changer. Il fallait donc donc voir quelle attitude adopter. C’est en trois heures de temps que je suis passé de l’état de cécité pour parvenir à bâtir le nouveau Nteppee Junior que je suis aujourd’hui », témoigne l’homme tout en souriant. Avec sa canne en main, il a toujours un petit mot pour faire sourire le prochain et il se dit père de tous les enfants.
« Cette situation a affecté mon entourage, mais je ne me suis jamais arrêté. Je me suis dit « Seigneur, si tu as décidé que ça arrive, tu as certainement une raison. Le fait de me laisser en vie, est déjà un privilège, une opportunité pour moi, pour que je sois disponible et qu’à travers moi tu passes un message fort, qu’on comprenne que le handicap peut frapper à tout moment ». Quand j’avais encore la vue, j’étais dans l’hôtellerie, précisément dans la pâtisserie. Mais depuis, j’ai arrêté de faire le pain, pour passer à chef cuisinier. Malgré la cécité, je suis toujours en exercice. Par la suite, j’ai appris à faire de la broderie en étant aveugle. Seulement, j’avais arrêté de jouer au basket. Aujourd’hui, j’entraîne une équipe de plus d’une vingtaine de jeunes, qui ont entre 8 et 20 ans », a également dit Nteppee Junior, qui garde toujours le sens de l’humour et prend la vie du bon côté.
Debout sur environ 1m88, teint marron, la barbe bien arrangée et la casquette bien vissée sur la tête, Nteppee Junior n’a rien perdu de sa joie de vivre. Il inspire le courage d’affronter la vie, quel que soit son handicap. « Il y a ce qu’on appelle l’intelligence du cerveau et celui de la main. C’est ce que j’ai développé. J’ai fait de mon cerveau une interface. J’ai fait de telle sorte que mon cerveau puisse voir à la place de mes yeux et c’est comme ça que je parviens à deviner, je parviens à ressentir. Le cerveau humain a des capacités qu’on ignore. Quand on a la volonté, on se rend compte qu’on est capable de faire des choses qu’on n’imaginait même pas », laisse-t-il entendre, tout en démontrant qu’il se sent à l’aise dans la cuisine, rien à envier à un voyant. D’ailleurs, il est chef cuisinier et traiteur.
« Le message que je veux faire passer ne concerne pas seulement la communauté des handicapés, ça concerne tous les humains. Le jour où l’humain comprendra que, en dehors de ce que le Seigneur fait pour nous, nous sommes les seuls la seule à pouvoir changer notre destinée, on prendra alors notre destin en main pour tout réinventer. Même si au départ, on se dit que tout est perdu. Par exemple, en tant qu’entrepreneur, on ne doit pas craindre de se retrouver sans le moindre sou. Ce qu’il faut plutôt redouter, c’est le fait de ne pas avoir la capacité de créer des ressources. Quand on n’a pas cette capacité, on va baisser les bras et plonger dans la mendicité. Il faut changer la vision de sa réalité, en ne regardant pas la cécité comme un handicap, mais comme une opportunité de transformer une faiblesse en force. A partir de ce moment, je ne deviens pas un modèle, mais une source d’inspiration pour que d’autres comprennent que si moi j’y suis parvenu, c’est qu’ils peuvent aussi le faire », a conseillé Nteppee Junior, que la cécité a affranchi, puisqu’il lui a permis de devenir son propre chef, en créant son entreprise à lui.