Une peur panique s’empare de Kinshasa. L’assassinat, le mardi 11 novembre, d’un professeur de géochimie de l’université de Kinshasa, y est pour beaucoup. Le taux de criminalité qui n’a pas baissé en dépit des efforts de la police congolaise relance le débat sur la peine de mort.
De notre correspondant Dieudonné Juakali Kambale
Stupeur et colère sur le campus de l’université de Kinshasa depuis l’assassinat, mardi 11 novembre, dans des circonstances non élucidées, de Jean-Pierre Mboma Mayoyo, professeur de géochimie à la faculté de chimie. Fini le calme relatif du mois d’octobre après l’exhibition à la télévision des 40 criminels présumés qui ont écumé la ville de Kinshasa. Le jour du meurtre, des hommes en uniforme militaire viennent à 2 heures du matin au domicile du professeur Mboma, l’éliminent devant sa femme et vident les lieux sans laisser de traces. Outre ses occupations à la faculté, le professeur Mboma exerçait les fonctions d’administrateur à la Cohydro, une entreprise pétrolière congolaise. Depuis sa sordide disparition, c’est bien entendu la consternation et la colère qui règnent sur le campus.
Les professeurs de l’Apukin (Association des Professeurs de l’Université de Kinshasa) s’en prennent aux services de police, à l’armée et plus spécialement au ministre de l’Intérieur, dont il exigent la démission. « Nous arrêtons les enseignements jusqu’à ce que le ministre démissionne », a déclaré un professeur qui a requis l’anonymat. La dépouille de l’enseignant était toujours exposée, vendredi, sur le campus de l’université. La femme du professeur, elle-même violentée pendant le supplice de son mari, se trouve en soins intensifs à l’hôpital de l’université. Conséquence immédiate : la tenue de certains examens a dû être remise à une date ultérieure.
Des crimes sans mobile
Ce dernier meurtre en date survient après une série d’autres assassinats qui ont été commis à Kinshasa depuis le mois de juillet dans des circonstances tout à fait similaires. Des crimes dont on ne perçoit pas clairement les mobiles. Le mois de septembre a été le plus meurtrier avec six homicides. Le ministère de l’Intérieur a déclenché l’opération « Kimia » (la paix), pour traquer les criminels et sécuriser la ville. Une quarantaine de bandits à mains armées ont pu être appréhendés et exhibés, pour l’exemple, sur toutes les chaînes de télévision de la capitale. « Nous comptons sur le fait que les criminels qui ne sont que des jeunes gens de la ville puissent être reconnus dans les quartiers où ils vivent ou par des parents ou des amis, a déclaré le général Daniel Katsuva, inspecteur général de la police nationale, dans un point de presse. Ceci diminuera sûrement la criminalité dans la ville».
Effectivement, le mois d’octobre a connu une accalmie relative sur le plan de la sécurité à Kinshasa. Les quelques cas de criminalité observés ont été fortement médiatisés et la population a apprécié les efforts de la police. Jeudi, le général Oleko, inspecteur de police à Kinshasa, a publié les statistiques assez encourageantes de la criminalité pour les mois de septembre et octobre et demandé aux Kinois d’avoir confiance en leur police : « Durant tout le mois de septembre, a-t-il annoncé, nous avons connu vingt cas d’extorsions de biens. Pour le mois d’octobre, il n’a été enregistré que deux cas. Trente-neuf cas de vols de véhicules ont été enregistrés pour le mois de septembre, a-t-il ajouté, tandis que le mois d’octobre n’a connu qu’un seul cas. Pour les vols à mains armés, il y en a eu 20 au mois de septembre et 12 en octobre. Enfin, pour les homicides, a-t-il relevé, il y en a eu six au mois de septembre et aucun au mois d’octobre ». Le général Oleko a regretté l’assassinat du professeur Mboma mais a promis à la population de débusquer les malfaiteurs.
Pour la réhabilitation de la peine de mort
Devant la recrudescence de la criminalité en ce moment crucial où les différentes armées doivent fusionner, les Congolais ravivent le débat sur la peine de mort en RDC. En dépit du fait que le pays a déjà adhéré au principe de l’abolition de la peine de mort[[<*>Le pays n’applique plus la peine de mort depuis plus de 10 ans. Il a toutefois suspendu depuis un an un moratoire pour la reprise des exécutions. Mais aucune sentence n’a été jusque là appliquée]], tout Kinshasa semble unanimement pour l’exécution, après procès public, de toutes les personnes convaincues de crimes à mains armées avec mort d’homme. Un premier groupe criminel a déjà été condamné à mort, à la suite d’un procès public. Les Congolais attendent que la sanction soit appliquée à la lettre malgré les protestations des organisations de défense des droits de l’homme. Le témoignage de Mme Lola, la maman de Victor, l’une des victimes de cette série de crimes : « Les hommes qui ont tué mon fils, a-t-elle déclaré, doivent subir ce qu’ils lui ont fait subir et je dois être témoin de leur mise à mort ». Le premier groupe des condamnés à mort a fait appel. Les débats sur la réhabilitation de la peine capitale promettent d’être houleux.