Le Bénin a décidé, ce lundi, de bloquer l’exportation du pétrole nigérien à partir de la station terminale de l’oléoduc Niger-Bénin à Sèmè-Podji. Cette décision est prise en représailles à l’intransigeance de la junte nigérienne qui s’obstine à garder ses frontières terrestres fermées avec le Bénin.
Le pétrole nigérien ne sera pas exporté par le Bénin tant que le Niger gardera ses frontières terrestres fermées avec son voisin. Cette décision prise, ce lundi 6 mai 2024, par la partie béninoise, a été notifiée à l’ambassadeur de Chine près le Bénin ainsi qu’à la société de gestion du pipeline, a rapporté RFI. De façon précise, les navires chargés d’embarquer le pétrole ne pourront pas accéder aux eaux béninoises.
La réponse du berger à la bergère
Les relations entre le Bénin et le Niger ont pris un coup depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 à la suite duquel la CEDEAO a pris des sanctions contre le Niger. Au titre de ses sanctions, il y avait la fermeture des frontières par les pays voisins du Niger, et au-delà, la menace d’une intervention militaire fortement soutenue à l’époque par le Bénin. Mais, depuis décembre 2023, le Président béninois, Patrice Talon, a réaffirmé, à plusieurs occasions, son envie d’un retour à la normale avec le voisin nigérien jusqu’à la levée des sanctions par la CEDEAO en février 2024. Le Bénin avait alors été l’un des premiers pays à rouvrir ses frontières avec le Niger, avant même le Nigeria qui ne le fera que le 14 mars.
Cependant, le CNSP est resté de marbre face aux démarches conciliantes de son voisin béninois, alors qu’il s’est empressé de lever les barrières tout juste une semaine après la réouverture des frontières par le Nigeria. Une volonté manifeste, mais inavouée, de la junte d’asphyxier le Bénin dont le poumon économique, le Port autonome de Cotonou, dépend du Niger qui est son principal client étranger. Ce faisant, la junte feint d’ignorer qu’elle punit également les opérateurs économiques nigériens obligés de faire transiter leurs marchandises par le Togo. Ce qui leur génère des surcoûts inexistants sur la voie béninoise plus directe et plus courte.
Non seulement la junte punit les opérateurs économiques, mais c’est la population nigérienne qui fait les frais de cette décision, en définitive. Puisqu’elle est la consommatrice des marchandises importées par les opérateurs économiques eux autres obligés de faire rejaillir les surcoûts sur les prix de vente des denrées aux populations. Ceci, dans un contexte déjà marqué par une forte inflation découlant des effets de la pandémie de Covid-19 et surtout de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Les autorités nigériennes placées devant l’incohérence de leur position
La raison avancée par les autorités nigériennes pour justifier leur intransigeance vis-à-vis du Bénin serait liée à la présence de militaires français sur le sol béninois. Une raison qui, curieusement, n’est pas valable lorsqu’il s’agit du pétrole. Les frontières étant fermées pour les marchandises et les hommes tout en restant ouvertes pour le pétrole. Et la présence des soldats français sur le sol béninois ne pose aucun problème dans ce cas. Il y a là une incohérence dans la position des autorités nigériennes qui devraient plutôt faire un choix et s’y conformer. Soit elles décident de maintenir le bras de faire avec le Bénin, et s’en tiennent à cela sur toute la ligne, soit elles remettent la balle à terre.
C’est ce à quoi la partie béninoise les invitait, depuis décembre 2023. Face à la nouvelle exigence du Bénin, le Niger a très peu de marge de manœuvre. Tant les sommes investies dans la construction du plus grand oléoduc d’Afrique sont colossales. Il aurait coûté entre 2 et 3 milliards de dollars et devrait générer d’énormes avantages économiques pour le Niger comme pour le Bénin d’ailleurs. Sans doute, la Chine, qui est un acteur majeur du projet, pèsera de tout son poids pour qu’une entente soit trouvée entre les deux pays frères.