Les forces de l’ordre ont de nouveau évacué ce jeudi matin une centaine de réfugiés, originaires majoritairement du Soudan, installés Avenue de Flandre, en attendant d’être logés par les pouvoirs publics.
À l’Avenue de Flandre
Il est à peine 10h, ce jeudi matin. Les forces de l’ordre, au nombre d’une vingtaine, sont déjà présents Avenue de Flandre pour évacuer plus d’une centaine de réfugiés, qui s’y sont installés, en attendant d’être logés par les pouvoirs publics. Leurs soutiens, usés et impuissants, venus nombreux assister à la scène, parlent d »une nouvelle rafle. Comme d’habitude, les policiers sèment aux réfugiés de se mettre en rang, puis les contraignent à monter dans des bus sans pour autant les informer de l’endroit où ils iront.
« Ils raflent même les enfants, c’est du délire ! »
Comme dans un mauvais rêve pour les migrants, cela fait maintenant deux semaines que cette scène se répète inlassablement Avenue de Flandre, attisant la colère de ceux qui les soutiennent. Ces derniers dénoncent des « violences policières quotidiennes contre les réfugiés » et un « harcèlement » ciblé pour les user et les inciter à s’en aller. « C’est une véritable farce cette répétition des évacuations menées par la police ! La situation devient au final ridicule ! », clame Valérie, qui prête également main forte aux réfugiés, estimant « qu’il est important que ces derniers soient au fait de leurs droits pour mieux se défendre ». A quelques pas, on aperçoit Kim, une autre bénévole, très occupée à prendre des photos pour témoigner de l’évacuation. Elle aussi ne cache pas son amertume. « Ils ne veulent plus du tout de campement ici comme ailleurs dans Paris. Maintenant les policiers viennent plus tôt, aux heures où il y a peu de monde, pour ne pas être gêné dans leur évacuation », affirme Kim, qui souligne qu’au moment où elle leur apportait le petit déjeuner, la police était déjà présente. « Vous y avez pris goût ! », hurle soudainement cette bénévole très en colère, en s’adressant aux policiers. « Ils raflent même les enfants, c’est du délire ! », réitère-t-elle.
« C’est scandaleux le traitement qu’on réserve aux réfugiés en France »
De son côté, Hakima ne comprend pas comment une telle situation peut se produire dans le pays : « C’est scandaleux le traitement qu’on réserve aux réfugiés ici. Ce n’est pas digne de la France, qui affirme être un pays de droit ! Elle fait des guerres dans le monde mais refuse que des personnes fuyant ces guerres viennent s’abriter ici », rouspète-t-elle.
Derrière elle, les véhicules des éboueurs se mettent déjà en mouvement pour récupérer et jeter toutes les couvertures et affaires des réfugiés. « Monsieur on peut au moins récupérer leurs sacs ? Il y a des documents à l’intérieur très importants pour leurs démarches de régularisation », demande cette femme à un agent. Réponse de ce dernier, impassible : « Non madame ! ». « Mais vous allez en faire quoi de leurs affaires ? Les jeter ? », renchérit Julian, jeune homme parmi les bénévoles, qui vient tout juste d’arriver pour assister à la scène. « Oui, nous allons peut-être les jeter !», lui rétorque un élément des forces de l’ordre.
Au même moment, Oussam, membre du collectif de soutien La Chapelle debout, attire l’attention sur une urgence qu’il faut traiter. Une jeune femme soudanaise, enceinte de six mois, dormant aussi dans la rue avec son mari, qui a mal au ventre depuis ce matin, doit absolument être conduite au planning familial, située à 20 minutes de l’avenue, pour obtenir un certificat de grossesse. « Qui est disponible pour l’emmener ? », s’écrie-t-il, avant qu’une bénévole à côté s’engage à l’accompagner. Mais là aussi les choses se compliquent, puisqu’elle ne peut pas marcher à pied jusqu’au planning familial et il faut trouver un traducteur qui puisse s’exprimer dans sa langue afin qu’elle explique ses besoins.
« Cette situation témoigne de la désorganisation des forces de l’ordre dans l’accueil des réfugiés sur Paris »
Une énième scène que déplorent les soutiens, pointant du doigt « une cacophonie quotidienne, qui témoigne de la désorganisation réelle des pouvoirs publics dans l’accueil des réfugiés sur Paris ». « Si on en arrive là c’est parce qu’il n’y a aucune structure mise en place sur Paris pour accueillir les réfugiés comme il se doit. Chaque jour, la police les évacue, prend leurs empreintes au commissariat, puis les relâche avec des obligations de quitter le territoire français », dénoncent-ils unanimement. Certains parlent même de « loterie » car Bien que certains réfugiés soient placés dans des hôtels ou centre d’hébergements, cela ne signifie pas que leur calvaire soit toutefois terminé. « Beaucoup d’entre eux quittent les centres d’hébergements pour revenir dans la rue parce qu’on les envoie dans des coins perdus où ils sont livrés à eux même », explique Valérie. Selon elle, « une maman soudanaise a récemment été envoyée dans un endroit très lointain, en forêt, où elle était totalement perdue ! Elle n’a pas eu d’autres choix que de revenir Avenue de Flandre ». Autant dire que les réfugiés de la capitale française ne sont pas au bout de leurs peines…